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Un biomarqueur prometteur pour distinguer la démence des troubles psychiatriques

Dans sa pratique clinique, le psychiatre Simon Ducharme, travaillant au Centre de recherche Douglas affilié à l’université McGill, est souvent confronté à un défi de taille : distinguer un trouble psychiatrique classique des premières manifestations d’une démence dégénérative, comme la démence fronto-temporale chez des patients d’âge moyen. Cette différenciation est cruciale, car les approches thérapeutiques varient considérablement selon le diagnostic. Or, les examens traditionnels – tests cognitifs et imagerie cérébrale – ne suffisent pas toujours pour y voir clair, surtout au début de la maladie. Ce besoin clinique pressant a mené à une recherche visant à valider l’utilisation du neurofilament sérique (NfL), un biomarqueur détectable dans le sang, comme outil diagnostique différentiel. Les NfL sont rejetés dans le sang lorsqu’il y a un dommage aux neurones; les valeurs augmentent donc beaucoup dans le cas des maladies neurodégénératives causant la démence.

Pour mener cette étude, l’équipe du Dr Ducharme a eu accès à une banque de données de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal qui regroupe des échantillons sanguins de plus de 800 personnes âgées de 40 ans et plus. Les échantillons ont été analysés à Amsterdam grâce à une technologie de pointe appelée SIMOA, qui peut détecter des protéines à des concentrations extrêmement faibles dans un grand nombre d’échantillons. Les chercheurs ont comparé les taux de NfL chez des patients atteints de troubles psychiatriques, des sujets sains et d’autres souffrant de démence fronto-temporale. Les résultats sont probants : les niveaux de ce biomarqueur étaient significativement plus élevés chez les personnes atteintes de démence, permettant une distinction fiable, surtout chez les moins de 65 ans. Fait inattendu, les patients psychiatriques présentaient aussi des niveaux de NfL légèrement plus élevés que les sujets sains, laissant entrevoir un possible aspect dégénératif dans le cas de certaines maladies psychiatriques.

Ces découvertes ont des retombées concrètes. Le test de dosage du NfL est désormais offert en clinique au Québec, marquant une transition rapide de la recherche à la pratique. Il permet aux cliniciens de poser un diagnostic plus éclairé, en particulier dans les cas complexes. À terme, ce biomarqueur pourrait également être utile pour le suivi d’autres maladies neurodégénératives comme la sclérose latérale amyotrophique, ou encore comme marqueur diagnostique rapide pour différencier les troubles psychiatriques des pathologies neurologiques dans un contexte d’urgence.

 

Références

  • Ducharme, S., Dols, A., Laforce, R., Devenney, E., Kumfor, F., van den Stock, J., … Pijnenburg, Y. (2020). Recommendations to distinguish behavioural variant frontotemporal dementia from psychiatric disorders. Brain, 143(6), 1632-1650. https://doi.org/10.1093/brain/awaa018
  • Light, V., Jones, S. L., Rahme, E., Rousseau, K., de Boer, S., Vermunt, L., … Ducharme, S. (2024). Clinical accuracy of serum neurofilament light to differentiate frontotemporal dementia from primary psychiatric disorders is age-dependent. American Journal of Geriatric Psychiatry, 32(8), 988-1001. https://doi.org/10.1016/j.jagp.2024.03.008
  • Liu, E., Jones, S. L., Light, V., Teunissen, C., Bouzigues, A., Russell, L. L., … Ducharme, S. (2025). Accuracy of blood-based neurofilament light to differentiate genetic frontotemporal dementia from primary psychiatric disorders. Journal of Alzheimer's Disease, 106(4), 1337-1354. https://doi.org/10.1177/13872877251352103