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Détecteur de rumeurs

Non, la 5G n’affaiblit pas le système immunitaire

Les articles du Détecteur de rumeurs sont rédigés par des journalistes
scientifiques de l'Agence Science-Presse. Les Fonds de recherche du Québec et
le Bureau de coopération interuniversitaire sont partenaires du Détecteur de rumeurs.

Auteur : Agence Science Presse - Stéphane Desjardins

Quoi qu’en disent de très populaires théories complotistes, le déploiement de la 5G n’affaiblit pas le système immunitaire, un affaiblissement censé, selon ces théories, avoir favorisé l’éclosion de la COVID-19.

À l’origine de plusieurs rumeurs
Parmi les nombreuses théories étranges sur l’origine de la COVID-19 recensées ces derniers mois, il y en a plusieurs qui tournent autour du déploiement de la cinquième génération de technologie de téléphonie cellulaire (appelée communément 5G). Des centaines de milliers de comptes Facebook, YouTube et Instagram, les ont relayées. Le 26 janvier, on recensait un pic de mots-clés « coronavirus » et « 5G », au moment même où on enregistrait les premiers cas américains.

Le Dr Thomas Cowan, qui se décrit comme anthroposophe —un courant ésotérique parfois qualifié de « secte » — s’est rapidement imposé comme un grand promoteur de ces théories, depuis qu’il a diffusé une vidéo qui, dès la première semaine, a été partagée 16 000 fois et a obtenu 390 000 vues. Signalons que le Dr Cowan fait l’objet de recours disciplinaires en Californie après une plainte pour prescription d’un médicament anti-cancer qui n’avait pas été approuvé par les autorités.

Ces théories ont aussi été relayées par des célébrités comme les acteurs Woody Harrelson, John Cusack et Roseanne Barr, les chanteuses Keri Hilson et M.I.A., ou le boxeur Amir Khan. Plus récemment, plusieurs tours de cellulaires ont été incendiées au Royaume-Uni et dans la foulée, le déploiement de la 5G a été temporairement suspendu en Belgique.

Dans certaines variantes de ces théories, Cowan et d’autres défendent entre autres l’idée que la 5G affaiblirait le système immunitaire, facilitant du coup l’infection.

Controverse de longue date
Les ondes de téléphonie cellulaire font partie, comme l’ensemble des ondes radio, de la catégorie définie par les physiciens comme « non ionisantes », c’est-à-dire qu’elles n’ont pas la puissance nécessaire pour endommager des molécules à l’intérieur de notre corps —par exemple, notre ADN— au point de perturber des fonctions telles que le système immunitaire. Cette catégorie dite d’ondes à faible fréquence inclut aussi la lumière visible, les micro-ondes et l’ensemble des ondes électromagnétiques émises par nos appareils domestiques, du frigo à l’ordinateur.

On classe à l’inverse parmi les ondes « ionisantes » la lumière ultraviolette, les rayons X et gamma qui, eux, peuvent briser les liens entre les molécules et causer le cancer. Il subsiste une interrogation quant à la possibilité qu’une exposition prolongée aux ondes non ionisantes pourrait avoir certains effets sur le métabolisme de systèmes simples (embryons de poulets, cellules nerveuses en culture, etc.). Mais selon une évaluation de l’Institut national de santé publique du Québec, aucun effet néfaste des ondes cellulaires, radio ou wifi, n’a été démontré jusqu’à maintenant.

La 5G utilise des ondes de fréquence plus élevées que les générations précédentes de téléphonie cellulaire, appelées « ondes millimétriques », qui sont également non ionisantes. Ces ondes ne voyagent pas très loin et nécessitent un très grand nombre d’antennes, ce qui alimente les craintes de surexposition, qui stimulent à leur tour les théories du complot.

Certains scientifiques s’en inquiètent toutefois : une revue de la littérature publiée par des chercheurs italiens en 2018 expose le faible avancement de la recherche sur ce plan. L’attention d’une bonne partie des études relevées (publiées entre 2011 et janvier 2018) se tournait vers les risques supposés de cancers causés par une exposition de proximité (comme un téléphone) ou d’effets neurologiques ou métaboliques (niveaux de cholestérol, de glucose, etc.). Le système immunitaire ne semble pas avoir été sur les écrans radar de ces recherches, en dépit du fait que plusieurs de ces études portaient sur des animaux ou des humains.

D’autres études font par contre état de l’absence d’effet des ondes 5G sur la physiologie humaine, dont celle de la Commission internationale de protection contre les rayons non ionisants, publiée dans la revue Health Physics en 1998. Ces travaux ont établi des normes d’exposition, dont le niveau sécuritaire est fixé à 300 GHZ, alors que celui de la 5G joue dans les dizaines de GHz, rappelle Full Fact, média britannique de vérification des faits.

De plus, les niveaux de radiations électromagnétiques liées à la 5G sont 66 fois moins élevés que les normes de sécurité édictées par l’OFCOM (le régulateur de l’industrie britannique des télécommunications), ajoute Full Fact.

Une variante de la théorie liant 5G et coronavirus prétend que les épidémies précédentes auraient elles aussi été causées par les nouvelles technologies de communication. Ainsi, l’épidémie de grippe espagnole aurait été stimulée par l’introduction de la radio commerciale. Tout comme l’épidémie de SRAS correspondrait à l’arrivée de la 3G en 2003, puis la grippe porcine, à celle de la 4G en 2009.

Le problème avec cette théorie est que la grippe espagnole est devenue épidémie en 1918, alors que le premier poste de radio commerciale au monde, XWA (l’ancêtre de CFCF, devenu CINW 940 AM, qui a cessé de diffuser en 2010), a vu le jour en 1920 à Montréal. De plus, les premiers cas de grippe espagnole avaient été recensés en… 1916 et 1917, en France et au Kansas.

En fait, le déploiement des réseaux 5G autour de la planète ne correspond pas aux pays où s’est propagée le plus la COVID-19. Plusieurs pays fortement infectés, comme la France ou l’Iran, n’ont pas de couverture 5G. Et bien que la pandémie ait commencé en Chine, c’est la Corée du Sud qui a été la première à déployer son réseau 5G.

 

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