Auteur : Agence Science Presse - Kathleen Couillard
Les articles du Détecteur de rumeurs sont rédigés par des journalistes
scientifiques de l'Agence Science-Presse. Les Fonds de recherche du Québec et
le Bureau de coopération interuniversitaire sont partenaires du Détecteur de rumeurs.
« Les enfants sont plus grands que leurs parents », entend-on souvent. Voire « de plus en plus grands ». Si la chose était inévitable, l’humanité deviendrait bientôt une espèce composée de géants. Le Détecteur de rumeurs résume ce qu’il en est vraiment.
La génétique de la taille
La génétique serait responsable de 90 % des variations de taille au sein d’une population. Plusieurs gènes sont impliqués et, bien que leur distribution ne soit pas la même d’un groupe d’individus à l’autre, il s’agit tout de même d’un héritage de base qui n’a pas changé depuis très longtemps et qui détermine la taille maximale d’une personne.
Cependant, il ne faut pas négliger les 10 % restants. La génétique a beau déterminer la taille maximale d’une personne, encore faut-il que les conditions de croissance soient optimales. Cela veut dire que l'environnement dans lequel quelqu’un grandit pourrait l'empêcher d'atteindre la taille « inscrite » dans ses gènes. Son alimentation, son hygiène, même les conditions climatiques : tout cela peut faire varier la taille d'une génération à l'autre.
La taille, un indicateur des conditions de vie
Dans une population, la taille moyenne des individus est donc influencée par les conditions de vie, remarquent des experts britanniques associés à l’Université Oxford. Par exemple, la nourriture disponible est l’un des facteurs les plus importants pour déterminer la taille qu’atteindra un adulte: l’humain s’adapte au manque de nutriments en ralentissant sa croissance.
La prévalence de maladies infantiles dans une population influencera également la taille moyenne des adultes: les maladies empêchent le corps de bien absorber les nutriments. De plus, le système immunitaire a besoin d’énergie pour lutter contre les bactéries et les virus, ce qui peut limiter l’énergie investie dans la croissance.
Comme le résumait en 2013 l’économiste australien Timothy Hatton, la taille moyenne, dans une population, nous renseigne donc sur l’état de santé de ses individus, en particulier pendant l’enfance. En fait, la taille atteinte à l’âge adulte dépendrait beaucoup des conditions dans lesquelles l’enfant a grandi pendant ses deux premières années de vie.
La taille à travers l’Histoire
En 2019, des scientifiques allemands ont observé une augmentation de la taille des habitants du nord de l’Europe survenue un peu après le 4e millénaire avant Jésus-Christ. Cette hausse serait due en partie à l’arrivée d’immigrants porteurs d’un matériel génétique légèrement différent, et en partie à l’introduction de l’agriculture.
Toutefois, on n’a pas assisté dès lors à une croissance linéaire jusqu’à aujourd’hui, comme l’a constaté le chercheur Richard Steckel de l’Université d'État de l'Ohio, qui s’est intéressé à la taille des humains du Moyen Âge. En analysant des milliers de squelettes, il a remarqué que les humains du 9e siècle mesuraient en moyenne 173 cm, tandis que leurs descendants des 17e et 18e siècles —au moment où commence la Révolution industrielle— ne mesuraient en moyenne que 167 cm.
Cela tient en partie au fait que les humains des environs de l’an 1000 vivaient dans de meilleures conditions que ceux de la Révolution industrielle. Par exemple, le climat en Europe entre les années 900 et 1300 était légèrement plus chaud, favorisant du coup l’agriculture et une croissance économique, démographique et urbaine. Dans les années 1300, famines, guerres et épidémies mettront un terme à cette période.
Entre le 18e siècle et aujourd’hui, la situation s’est toutefois améliorée. Une étude publiée en 2015 confirme que les êtres humains sont à présent plus grands. Les hommes nés en 1896 mesuraient en moyenne 162 cm et les femmes, 151 cm. Cent ans plus tard, la taille des hommes était passée à 171 cm et celle des femmes, à 159 cm. On peut y voir l’effet d’une meilleure accessibilité à la nourriture, d’une amélioration de l’hygiène et d’une diminution radicale des maladies infantiles.
Une stabilisation depuis 30 ans ?
Toutefois, selon les experts de la NCD Risk Factor Collaboration, depuis une trentaine d’années, la croissance des êtres humains semble s’être stabilisée. Des chercheurs américains ont même remarqué en 2011 un déclin dans certaines régions de l’Afrique et de l’Amérique du Sud.
Deux hypothèses pourraient l’expliquer: selon la première proposée par les experts d’Oxford, les progrès de notre époque seraient tels que nous aurions déjà atteint notre plein potentiel génétique. Un apport plus grand en nutriments n’aurait donc plus de conséquences.
Selon la deuxième, soutenue par John Komlos de l’Université de Munich, notre mode de vie ralentirait notre croissance: la surabondance de nourriture pendant l’enfance pourrait déstabiliser l’équilibre hormonal et accélérer la puberté, ce qui stopperait la croissance plus tôt. Enfin, les chercheurs d’Oxford soulignent que l’augmentation des inégalités dans certaines régions du globe pourrait nuire à l’état de santé de certaines populations.
Verdict
La taille humaine est en majeure partie prédéterminée par notre bagage génétique. Cela n’empêche pas qu’elle a connu des périodes de croissance pendant l’Histoire, mais aussi de décroissance, en fonction des conditions de vie. On ne peut donc garantir que la prochaine génération sera plus grande que la génération actuelle.