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La culture du soja : difficile à réglementer

La mention « équitable » que l'on trouve souvent accolée à des produits comme le café ou le chocolat répond à une demande de produits plus éthiques de la part des consommateurs. Mais les travaux de Kregg Hetherington, chercheur en anthropologie politique à l'Université Concordia, démontrent que dans le cas de produits comme le soja ou le maïs, cette mention relève plus de la fiction que de la réalité.

Les pressions des consommateurs ne suffiront sans doute pas à rendre la culture du soja plus équitable.

Dans plusieurs pays producteurs, la culture du soja entraîne beaucoup de déforestation, en plus de monopoliser de grandes surfaces et de susciter des actes de violence dus au partage inéquitable des terres. Les droits des travailleurs agricoles y sont régulièrement bafoués. Voilà pourquoi nombre de consommateurs optent pour du soja bio ou équitable.

Avec son équipe, Kregg Hetherington a interviewé des dizaines de personnes au Québec, à Rotterdam – où beaucoup de soja transite par le port – et en Amérique latine, région productrice de soja. Ils ont aussi fait de l’observation participante au sein de groupes de travailleurs dans trois ports : deux au Paraguay et un aux Pays-Bas. Il a constaté qu'il était très difficile de retracer la provenance de chaque grain de soja pour savoir s'il avait été produit de manière équitable ou bio conformément aux règles établies. Car la chaîne logistique est très longue, de la ferme aux cargos qui font transiter des millions de tonnes de grains, en passant par les silos qui entreposent la production.

Par exemple, un navire arrivera au port de Rotterdam avec une cargaison de 40 millions de tonnes de grains de soja en vrac, dont 15 % auraient été produits de manière équitable, ce qui augmente un peu la valeur commerciale de ce chargement. Cependant, ce fameux 15 % est invérifiable. Il provient de calculs faits à chacune des étapes du transit par de très nombreux intervenants et dans plusieurs pays, selon des pratiques non standardisées.

Pour Kregg Hetherington, cela démontre que les pressions des consommateurs ne suffiront pas à rendre la culture du soja plus équitable ou moins nocive pour l’environnement. En fait, pour modifier les pratiques en matière de culture du soja, il faudrait plutôt changer les lois environnementales et le droit du travail à l’intérieur même des pays producteurs.