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Une fin de mandat...

Une fin de mandat…

Après 14 ans à titre de premier scientifique en chef du Québec, mon mandat tire à sa fin. En effet, l’automne prochain, je quitterai mon poste et passerai le flambeau à la personne qui me succèdera. J’avais accepté d’ajouter une année à mon troisième mandat afin d’assurer la mise en place et la stabilité de la nouvelle structure du Fonds de recherche du Québec (FRQ), résultant de la Loi modifiant principalement la Loi sur le ministère de l’Économie et de l’Innovation en matière de recherche, entrée en vigueur le 1er juin 2024.

Que de chemin parcouru ! Permettez-moi de vous en dresser les grandes lignes…

À titre de scientifique en chef, mon rôle-conseil auprès du ou de la ministre en titre de la Science, mais également auprès des autres ministres et ministères, a pris diverses formes. Qu’on pense au mandat reçu du ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur en 2020 pour réfléchir aux exigences de l’université québécoise du futur qui, au terme de travaux et de consultations d’un groupe de travail que j’ai présidé, a conduit au dépôt d’un rapport d’une douzaine de recommandations remis à la ministre de l’Enseignement supérieur, en 2022. Des travaux qui ont entre autres alimenté la Loi sur la liberté académique dans le milieu universitaire. J’évoquerai ma participation intensive aux discussions lors de la première année de la pandémie de Covid-19 avec la ministre de la Santé et des Services sociaux, le sous-ministre et le directeur général de la santé publique. Je pourrais aussi mentionner mon rôle-conseil, tel que décrit dans la Loi sur le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, pour la nomination du président et des membres du Comité consultatif sur les changements climatiques. Ou de la volonté du premier ministre François Legault en 2022 de créer une vingtaine de chaires de recherche d’études québécoises, en mentionnant que j’aurais la responsabilité de définir et d’établir les appels de propositions auprès de la communauté scientifique : cinq chaires ayant été annoncées à ce jour.

Par ailleurs, j’ai été étroitement impliqué dans les travaux qui ont mené à la Politique nationale de recherche et d’innovation 2014-2019, à la Stratégie québécoise de la recherche et de l’innovation 2017-2022 et à la Stratégie québécoise de recherche et d’investissement en innovation 2022-2027, auxquelles on peut ajouter la Stratégie québécoise des sciences de la vie 2017-2027, la Vision internationale du Québec en 2019, la Stratégie gouvernementale de développement durable 2023-2028, le Plan d’agriculture durable 2020-2030 ou la Réflexion collective sur l’encadrement de l’IA du Conseil de l’Innovation du Québec en 2023 sur lequel je siège comme membre du Conseil, tout comme ma participation au conseil d’administration d’Axelys. D’ailleurs, avec la SQRI2 a été établi le trio de l’innovation où comme scientifique en chef je « personnifie » la recherche fondamentale et appliquée, alors que l’innovateur en chef représente la phase d’incubation et d’innovation et la PDG d’Investissement Québec celle de la commercialisation et des retombées. Comme le mentionne la Stratégie, « des mécanismes seront mis en place pour que les rendements financiers générés par les interventions de l’État dans la commercialisation des innovations soient réinvestis dans la recherche fondamentale et la relève ». Un réinvestissement prévu dans le cycle de l’innovation auquel je tenais !

Je pourrais ajouter les demandes d’avis scientifiques de la part de ministres faites dans des contextes d’urgence, mes participations annuelles aux études de crédits, à des commissions parlementaires sur des projets de loi, ma participation à des missions à l’étranger du premier ministre ou ministre en titre de la science. Bref, depuis mon arrivée en poste en septembre 2011, j’ai connu huit ministres en titre de la Science, quatre premiers ministres et quatre gouvernements de trois partis politiques. L’adaptation et la résilience sont des capacités essentielles à la fonction de scientifique en chef !

Mon rôle-conseil auprès des ministres en titre de la Science et de l’ensemble des ministres m’a amené à développer et à promouvoir le conseil scientifique sur la base de ma pratique, et de celle des autres scientifiques en chef et conseillers scientifiques dans le monde. Ainsi s’explique mon implication dans la création du Réseau international en conseil scientifique gouvernemental (INGSA) en 2013 comme vice-président et maintenant comme président depuis 2021. C’est d’ailleurs sous mon leadership comme président d’INGSA que le Réseau francophone international en conseil scientifique (RFICS) a été créé en 2022 afin de promouvoir la réflexion et la pratique du conseil scientifique en français au profit de la Francophonie. Le conseil scientifique est un pilier essentiel de la diplomatie scientifique, si nécessaire dans le contexte actuel où la science est l’objet de virulentes attaques. Le programme de chaires en diplomatie scientifique en cours et qui vise à créer six à huit chaires dans nos universités en lien avec des universités hors Québec devient plus pertinent que jamais.

Un mot sur les ententes de partenariat que j’ai paraphées tout au long de mon mandat avec des organismes et ministères de pays de l’Europe, de l’Asie, d’Amérique du Sud et de l’Afrique afin de soutenir et développer des collaborations scientifiques autour de préoccupations communes et ainsi de positionner nos équipes sur l’échiquier de la recherche au niveau international. À ces ententes s’est ajouté le développement d’initiatives en lien avec certaines régions du monde en conflit ou sous haute tension. Déjà en 2017 à la demande du premier ministre Philippe Couillard, j’avais développé une entente avec l’Académie de la Palestine pour les sciences et les technologies qui a permis à nos universités d’accueillir à ce jour une soixantaine de chercheuses et chercheurs palestiniens pour des missions scientifiques. Avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022, nous avons créé le programme Science en exil qui permet d’accueillir au Québec des scientifiques et étudiants de cette région du monde ou de permettre à ceux qui étaient déjà en sol québécois de poursuivre leurs travaux de recherche. Un programme qui a été élargi à la Palestine, l’Afghanistan, l’Iran et autres pays et régions en situation d’urgence définie par le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations Unies. Il s’agit là de gestes que l’on peut inscrire dans une visée de diplomatie scientifique.

Ce qui m’amène au dialogue Science et société qui s’incarne notamment dans le rapport de nos élus à la science, et plus particulièrement dans l’usage de la science dans la prise de décision.

J’ai mis sur pied le Forum Sciences et Politiques en 2022 pour renforcer les liens entre les élus, les hauts fonctionnaires et les milieux académiques que ce soit par le biais de webinaires ou activités d’échanges. Mon rôle de co-président du Comité interministériel sur la recherche et l’innovation, avec l’Innovateur en chef et le sous-ministre adjoint à la science et à l’innovation, vise également à renforcer le lien entre la science et l’appareil gouvernemental. Je pourrais mentionner la formation à l’ensemble des élus du Québec sur les changements climatiques en 2023 ou les divers déjeuners scientifiques à l’intention des députés de l’Assemblée nationale tenus tout au long de mon mandat. Toujours dans l’optique de promouvoir la prise de décision à la lumière de la science, j’ai créé les programmes de scientifiques en résidence, à l’intention des représentations du Québec à l’étranger où une quinzaine de bureaux s’en sont prévalus ou sont en voie de le faire, mais également pour les ministères québécois et les municipalités. Ce n’est pas le fruit du hasard si au cours des dernières années, inspirées par la fonction que j’occupe, des municipalités comme Victoriaville, Longueuil, Gatineau, Drummondville, Sorel, Nicolet se sont dotées d’un ou d’une conseillère scientifique dans leur rang. Je ne peux que saluer ces initiatives.

J’ai toujours cru également qu’il fallait rendre la science plus accessible à nos concitoyens et concitoyennes, que ce soit en promouvant une science en français ou en encourageant la communauté scientifique et étudiante à communiquer, interagir et dialoguer avec le grand public. Dans un contexte où la désinformation et la remise en cause des consensus scientifiques n’ont probablement jamais été aussi présentes dans l’espace public, des programmes comme DIALOGUE, Regards ODD et ENGAGEMENT ont été créés pour favoriser le dialogue Science et société. Il en va de même pour le soutien à des initiatives d’organismes de diffusion (ex. le Détecteur de rumeurs), ou encore ma participation sur diverses tribunes ou mon implication avec mes comptes de médias sociaux pour promouvoir la science à l’extérieur du milieu académique. Notre action pour la diffusion en libre accès et la promotion de la science ouverte s’inscrit dans cette visée du rapprochement entre la science et la société.

Je quitte mes fonctions dans un contexte où le FRQ constitue plus que jamais un acteur clé de l’écosystème québécois de la recherche et de l’innovation. Reconnu certes par la communauté scientifique et étudiante, mais surtout mieux reconnu par les gouvernements qui se sont succédé depuis 2011. Communiquer l’importance de la recherche et du FRQ auprès des élus et de leurs équipes a été mon principal leitmotiv. Une reconnaissance qui se traduit par un budget qui a crû depuis mon entrée en poste, tant pour la recherche que pour la relève, passant de 199 millions de dollars en 2011 à 333 millions de dollars aujourd’hui, une hausse appréciable de 67% alors que l’inflation a cru de 37% depuis 14 ans. Bien que l’on affiche une très bonne croissance de nos partenariats, au Québec avec majoritairement des ministères et au niveau international avec des organismes de recherche de quatre continents, la recherche libre et fondamentale demeure l’essentiel du soutien du FRQ, représentant 81% des octrois en 2025. La recherche fondamentale et la liberté académique sont deux piliers de notre système de recherche que j’ai toujours promus auprès des autorités gouvernementales.

Appuyé par les conseils d’administration et les directions scientifiques tout au long de mon mandat, j’ai aussi fait de la relève l’une des priorités du FRQ. La relève a toujours représenté une des quatre grandes orientations de nos plans stratégiques. Malgré un contexte financier parfois contraignant, le soutien à la relève s’est traduit par la hausse du nombre de bourses octroyées et de leur valeur; par l’établissement de mesures pour toujours mieux concilier études-travail-famille; par une meilleure reconnaissance de ses travaux avec les prix Relève étoile et Publication en français instaurés respectivement en 2012 et 2021; par la mise sur pied du Comité intersectoriel étudiant, un comité statutaire qui informe et sensibilise le conseil d’administration des réalités de la communauté étudiante et postdoctorante par la production d’études sur divers sujets; par trois voix étudiantes sur le conseil d’administration; et par notre association avec l’Acfas pour la tenue, depuis douze ans, des Journées de la relève en recherche. Une des plus récentes initiatives, les prix des Grands Sages remis à trois étudiants en début de doctorat, marque le lien intergénérationnel entre de grandes figures de notre histoire scientifique avec de méritants membres de la relève. Il faut certes poursuivre nos efforts, particulièrement sur la bonification des bourses, mais je suis heureux de la place occupée par la relève en recherche dans nos actions.

Mes années comme scientifique en chef ont aussi été celles du développement et du déploiement de la recherche intersectorielle en réponse aux grands défis de société. Une approche qui était assez nouvelle dans les façons de faire de la communauté scientifique lorsque je suis arrivé en poste, mais qui semble s’imposer de plus en plus. Qu’on pense à la création de l’Observatoire international sur les impacts sociaux de l’intelligence artificielle et du numérique (OBVIA), du Réseau Inondations interSectoriel du Québec (RIISQ) ou de la Plateforme de financements de la recherche intersectorielle sur le vieillissement, qui tous visent à répondre à des préoccupations citoyennes. Il y a eu aussi la création du programme Audace qui génère son lot de projets de recherche intersectorielle qui sortent des sentiers battus. Plusieurs autres initiatives de recherche ont été soutenues afin de relever les trois grands défis de société, identifiés en collaboration avec la communauté scientifique et la société civile lors de forums que j’ai organisés particulièrement dans les années 2012 et 2013, soit les changements climatiques, le développement durable et le numérique, le vieillissement de la population et les changements démographiques, l’entrepreneuriat et la créativité.

J’ai toujours bénéficié de l’appui de la communauté académique tant au niveau collégial qu’universitaire, ce que j’ai beaucoup apprécié, même dans les moments les plus difficiles. Je la remercie, et particulièrement ceux et celles pour leur contribution comme membres des conseils d’administration tout au long de ces quatorze années.

Je voudrais aussi très sincèrement remercier les différents gouvernements, ministres et hauts fonctionnaires sous lesquels j’ai servi depuis septembre 2011. J’ai beaucoup appris de vous et espère que vous avez aussi apprécié travailler avec moi et mon équipe pour assurer l’excellence de la recherche et de la science au Québec, et partout dans le monde. J’espère que la prise de décision de nos gouvernements est aujourd’hui davantage basée sur des données probantes, l’expertise scientifique et les résultats d’une recherche fondamentale et libre qui, à terme, aide à améliorer le sort et la qualité de vie de nos concitoyens et concitoyennes. Cette science est aujourd’hui attaquée, notamment au sud de nos frontières, et il faudra travailler encore plus fort et tous ensemble afin de la protéger.

Mes remerciements vont aussi aux innovateurs et entrepreneurs qui visent à traduire les résultats de la recherche en innovations technologiques ou sociales au bénéfice du plus grand nombre de personnes de notre société. Il reste encore énormément à faire, mais le progrès du Québec à cet égard est réel.

Bien sûr, j’adresse un remerciement particulier à toute l’équipe du bureau du scientifique en chef et à tous les membres du personnel du FRQ. Sans chacun et chacune d’entre vous, sans votre engagement et votre professionnalisme, je n’aurais pas réussi à remplir mes objectifs comme scientifique en chef et premier dirigeant du FRQ.

Enfin, un très grand merci pour l’appui reçu de la part des Québécois et Québécoises pendant toutes ces années de mandat. Votre intérêt pour la science et la culture scientifique m’a toujours inspiré et m’a poussé à vouloir en faire davantage pour le Québec.

Au plaisir de se revoir sous peu,

Rémi Quirion, O.C., C.Q., Ph.D., m.s.r.c.
Scientifique en chef et PDG du FRQ
Président INGSA