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Une géographe contre les inégalités sociales

Ne défiez pas Mylène Riva de vous énumérer les noms et les emplacements des communautés autochtones du Nord canadien. Elle les connaît pas cœur! Cette jeune professeure de l’Institut des politiques sociales et de la santé et du Département de géographie de l’Université McGill a commencé à les apprendre vers l’âge de 10 ans lorsqu’elle a reçu son premier atlas. Aujourd’hui, elle mène des projets de recherche en collaboration avec plusieurs populations nordiques. « J’ai la géographie tatouée sur le cœur! Déjà, enfant, je disais déjà vouloir étudier dans ce domaine et rester à l’école toute ma vie… » Et c’est ce qu’elle a fait.

Mylène Riva a fait son baccalauréat, sa maîtrise et son doctorat en géographie à l’Université de Montréal. Après un postdoctorat à l’Université de Durham en Angleterre, la géographe est recrutée par l’Université Laval pour travailler sur la santé des populations autochtones. Avec la prestigieuse bourse postdoctorale Banting en poche, elle joint l’équipe de feu Éric Dewailly et se penche sur la crise du logement qui sévit au Nunavik et au Nunavut.

Déménager, bon pour la santé des Inuits?

« Il n’y a pas assez de logements pour soutenir la croissance démographique autochtone, qui est très rapide, révèle Mylène Riva. Il n’est pas rare de voir là-bas six personnes et plus partager une maison de deux chambres à coucher. » En 2014 et 2015, plusieurs centaines de logements sociaux ont été construits dans des communautés inuites dans l’espoir de diminuer le surpeuplement des habitations et d'améliorer la santé et le bien-être des communautés. « L’accès à un nouveau logement n’est pas nécessairement un gage direct de meilleures conditions de vie, prévient cependant Mylène Riva. Il arrive que les individus se séparent de leur famille élargie, ce qui peut augmenter la pauvreté et l’insécurité alimentaire dans un environnement où le coût de la vie est très élevé. » Selon la chercheuse, la question de la construction du logement doit être abordée dans une perspective sociale et culturelle plus large. Elle travaille de concert avec les organisations inuites pour documenter l’expérience de déménagement et ses impacts sur la santé des individus et des communautés. « Nos résultats seront utilisés pour guider les politiques de logement, poursuit la géographe. Par exemple, question de coûts, beaucoup des nouveaux logis construits au cours des dernières années ont une ou deux chambres à coucher. Mais les familles grandissent vite. C’est un point à considérer. »

La face cachée du congé de maternité des chercheuses

Sensible aux inégalités sociales de toute sorte, Mylène Riva déplore que, dans certains centres de recherche, les congés parentaux doivent être payés à même les fonds de recherche du chercheur. «  Cela peut nuire à l’embauche et à l’expérience de travail des jeunes scientifiques » , dit-elle. Sans compter qu’il n’est pas facile de fonder une famille alors que le milieu de la recherche universitaire évalue les compétences d’un chercheur selon le nombre de publications scientifiques et les subventions de recherche obtenues. « La tendance est vers le changement, mais des inégalités demeurent », précise la mère de famille. La géographe croit fermement que le milieu de la recherche doit revoir sa vision de la productivité pour que chercheuses et chercheurs puissent avoir une vie familiale épanouie… sans devoir en payer le prix.


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