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Soigner au féminin

Parmi les médicaments retirés du marché, 80 % le sont pour leurs effets secondaires sévères chez les femmes. Cette situation n’étonne pas vraiment Cara Tannenbaum, professeure aux Départements de médecine et de pharmacie de l’Université de Montréal. « La médecine et la pharmacologie ne sont pas adaptées aux femmes, et encore moins aux aînées », révèle-t-elle. À preuve, des études dévoilent notamment que le métabolisme des femmes élimine moins rapidement les anxiolytiques, tels les somnifères, que celui des hommes. Conséquence : la somnolence des femmes dure jusqu’à huit heures après la prise du médicament, ce qui affecte leurs réflexes au petit matin et augmente leur risque de subir des accidents.

Féminiser les médicaments

En effectuant sa spécialité en médecine gériatrique à la fin des années 1990, Cara Tannenbaum constate que les études cliniques n’incluent presque jamais des femmes âgées. En investiguant un peu plus, elle découvre aussi que beaucoup de médicaments sont développés à partir de modèles animaux mâles seulement, et ensuite testés uniquement sur de jeunes hommes. C’est le cas des anxiolytiques, qui sont pourtant majoritairement consommés par des femmes d’âge mûr. Ce constat la trouble : comment peut-on penser qu’un médicament qui fonctionne sur un gars de 25 ans sera adapté à la physiologie d’une octogénaire?

Dès lors, la gériatre décide de monter au front pour promouvoir une médecine personnalisée en accord avec la réalité des femmes, mais aussi des aînés tous sexes confondus. Elle mène notamment une enquête auprès de 5000 Canadiennes pour connaître leurs préoccupations en santé, et monte une clinique externe pour femmes. Dans le cadre de ses recherches, elle lutte contre les tabous que sont l’incontinence urinaire et la santé mentale. Les effets indésirables des médicaments deviennent son cheval de bataille. La chercheuse a d’ailleurs reçu le prix May-Cohen pour ses travaux sur l'amélioration de l'équité entre les sexes en médecine universitaire au Canada.

Depuis 2015, Cara Tannenbaum est directrice scientifique de l’Institut de la santé des femmes et des hommes des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). Elle s’est donné la mission de s’assurer notamment que les fonds investis en recherche aident autant les femmes que les hommes, que les recherches incluent des animaux femelles, et que les médicaments sont aussi testés sur des femmes de tous âges.

Le financement en santé a un sexe

En analysant les projets de recherche soumis aux IRSC, Cara Tannenbaum remarque que l’égalité des sexes est également un enjeu dans le financement de la recherche. « Seulement 28 % des projets financés sont menés par des femmes! », lance-t-elle. En scrutant davantage le mode d’attribution des subventions, la chercheuse identifie, dans quelques cas, des nuances de favoritisme inconscient envers les hommes, principalement lorsque le critère de leadership est évalué. Déterminée à rectifier la situation, la scientifique a créé et mis en ligne une formation pour les évaluateurs des demandes de subventions. Les résultats ont été instantanés : lors de la dernière compétition du programme Fondation du gouvernement du Canada, les taux de réussite chez les hommes et les femmes étaient équivalents! Comme quoi, il est possible de changer les choses.


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