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Seuls devant la justice

Chaque année, des centaines de Québécois se représentent eux-mêmes, sans avocat, devant le tribunal. Pourtant, leur méconnaissance des procédures judiciaires augmente le risque de perdre leur cause, en plus d'allonger le déroulement des procès. Emmanuelle Bernheim, chercheuse au Département des sciences juridiques de l'Université du Québec à Montréal, a voulu en apprendre davantage sur ces citoyens plaideurs.

Chaque année, des centaines de Québécois se représentent eux-mêmes devant le tribunal.

La chercheuse a d'abord remarqué que dans les écrits de juristes sur le sujet, l'autoreprésentation y est largement présentée comme un choix individuel. Or, les recherches universitaires qu'elle a recensées démontrent plutôt que, généralement, c'est un manque de moyens financiers qui provoque la décision de se priver d'avocat. D'ailleurs, un sondage réalisé pour la chercheuse et le Conseil de la magistrature du Québec en 2013 auprès de 1 500 Québécois révélait que plus de 90 % d'entre eux souhaiteraient retenir les services d'un avocat s'ils se retrouvaient en cour.

En étudiant la jurisprudence récente (principalement de 2008 à 2013), Emmanuelle Bernheim a ensuite relevé qu'en 2008, la Cour suprême du Canada a décrété que bénéficier des services d'un avocat en cour ne constituait pas un droit. Quant au choix de s'autoreprésenter, la jurisprudence souligne que c'est bel et bien un droit, que l'on exerce toutefois à ses risques et périls. Il y a certes un consensus pour dire que le juge doit porter assistance au citoyen plaideur, mais sans compromettre son impartialité.

La chercheuse a assisté à plusieurs séances devant des tribunaux administratifs et a constaté que les citoyens plaideurs peinaient néanmoins à comprendre les nuances entre des concepts clés tels la preuve et l'argument. Cette incompréhension suscitait souvent chez eux un sentiment d'injustice et de colère. Elle a présenté ses résultats devant les juges du Tribunal administratif du Québec. Cela a entraîné des modifications aux documents destinés aux personnes qui ne sont pas représentées, de sorte qu'ils vulgarisent maintenant davantage les procédures et les règles.