/ La recherche au quotidien / Retracer le climat au fond des lacs
Capsules

Retracer le climat au fond des lacs

Le lit de certains lacs recèle de véritables archives : les sédiments qui s’y accumulent au fil du temps renferment de l’information précieuse sur les conditions climatiques et hydrologiques passées. Mais encore faut-il trouver ces archives lacustres et savoir les lire… C’est la mission que s’est donnée Pierre Francus, chercheur au Centre Terre Eau Environnement de l’INRS. Les lacs les plus « parlants » sont « varvés », c’est-à-dire qu’ils possèdent des couches de sédiments – ou varves – qui n’ont pas été perturbées par les vagues, la glace et les organismes de fond. Ces lacs sont rares sur la planète : jusqu’à présent, seulement quelque 200 lacs varvés ont été découverts. Qu’à cela ne tienne ! Pierre Francus a trouvé Grand Lake au Labrador et, sur la Côte-Nord, le lac Walker, le deuxième lac le plus « creux » du Québec, d’une profondeur de 280 mètres !

Les données récoltées par le chercheur couvrent les 10 000 dernières années!

Pour atteindre les sédiments de ces lacs, Pierre Francus s’est associé à Patrick Lajeunesse, de l’Université Laval, et Guillaume St-Onge, de l’Institut des sciences de la mer de Rimouski (ISMER), afin d’exploiter des techniques océanographiques permettant de récolter des carottes d’une longueur de cinq mètres. Une fois en laboratoire, ces échantillons cylindriques de sédiments ont été scannés pour en vérifier la qualité, en faire des images HD et en connaître la composition chimique. Puis, les scientifiques ont analysé au microscope électronique chaque couche annuelle de sédiments – de l’ordre d’un millimètre – et les ont ensuite datées en utilisant la technique du Carbone 14. Un travail de moine ! Résultat ? Les données couvrent toute la période de l’Holocène, c’est-à-dire les 10 000 dernières années !

Les chercheurs peuvent notamment retracer les crues extrêmes, qui prennent la forme d’une couche plus épaisse de sédiments et de particules grossières. Ces événements hydrologiques ont-ils augmenté au cours des 20 dernières années, par rapport aux autres périodes chaudes de l’Holocène ? La réponse à cette question permettra notamment aux gestionnaires de mieux prévoir la variabilité et les extrêmes hydroclimatiques de la Côte-Nord, qui connaît un fort développement hydroélectrique et minier.