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Quand l’urgence devient démence

Une dame de 82 ans, en pleine possession de ses moyens, se présente à l’urgence pour une pneumonie. Après plusieurs heures d’attente, elle tombe soudainement dans un état confusionnel important. Elle perd tout contact avec la réalité, ne reconnaît plus ses proches, tient des propos incohérents, refuse les soins. Que s’est-il passé? Elle souffre de délirium. Cet état est bien connu chez les personnes âgées de 65 ans et plus admises aux soins intensifs ou en chirurgie, mais très peu chez celles qui séjournent à l’urgence. Une lacune que vient de combler l’équipe de Marcel Émond, urgentologue à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus et chercheur clinicien au CHU de Québec et au Centre de recherche sur les soins de première ligne de l’Université Laval.

Le délirium touche de 9 à 20 % des patients pendant leur séjour à l’urgence ou 24 heures après.

En suivant 650 patients dans cinq urgences du Québec, les chercheurs ont notamment pu déterminer que le délirium touche de 9 à 20 % des patients pendant leur séjour à l’urgence ou 24 heures après. Parmi les facteurs de risques : la déshydratation, les contraintes physiques, certains médicaments, un trouble cognitif insoupçonné et l’attente prolongée. Mauvaises nouvelles pour les Québécois, qui patientent en moyenne 30 à 40 heures à l’urgence : le risque du délirium augmente de 2 % toutes les heures! Plus encore, le délirium engendre le délirium. En effet, ce syndrome prolonge le séjour hospitalier de quatre jours, ce qui contribue au problème de surpeuplement et d’attente à l’urgence, un facteur de risque potentiel du délirium.

Pour dépister et prévenir rapidement cet état, les scientifiques ont développé des outils adaptés à l’urgence. Notamment, le RADAR (Repérage actif du délirium adapté à la routine), développé sous l’égide de Philippe Voyer, chercheur à la Faculté des sciences infirmières de l’Université Laval, est un formulaire avec lequel l’équipe soignante réussit à valider en 7 secondes le niveau de somnolence, la difficulté à suivre les consignes et la coordination des mouvements. Suspicion d’un début de délirium? L’équipe recherche les causes et propose du support psychologique et physique. Car la pilule anti-délirium n’existe pas encore.