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Quand le patient participe aux décisions

Les médecins prescrivent souvent des antibiotiques pour soigner des infections respiratoires aiguës (IRA). Toutefois, un tel traitement a généralement peu de chances d'être efficace, puisque de nombreuses infections respiratoires sont d'origine virale. Or, une surconsommation de ces médicaments favorise le développement d'une résistance. Si cette situation perdure, c'est souvent parce que les médecins présument que leurs patients souhaitent obtenir des antibiotiques.

Seulement le quart des 181 patients interrogés après leur consultation et issus des groupes exposés au programme ont indiqué avoir décidé de consommer des antibiotiques.

Afin de réduire cet usage inapproprié, il serait souhaitable que les médecins favorisent la participation de leurs patients à la prise de décision. Ainsi, ils les informeraient des bénéfices et des risques de prendre ou non des antibiotiques tout en tenant compte de leurs valeurs et préférences à cet égard. Malheureusement, peu de médecins s'engagent dans un tel processus avec leurs patients.

France Légaré, professeure à l'Université Laval et titulaire d'une Chaire de recherche du Canada, s'est inspirée des études portant sur la décision partagée afin de mettre au point le programme de développement professionnel continu Décision +2. Ce programme fournit aux médecins des outils de décision partagée dans le cadre de consultations avec leurs patients souffrant d'une IRA.

Les médecins doivent d'abord participer à un tutoriel en ligne de deux heures afin d'acquérir des connaissances théoriques et des habiletés pratiques, puis à un atelier interactif supervisé par des praticiens formés à la prise de décision partagée. Cet atelier donne aux participants l'occasion de mettre en application les concepts appris. Les deux activités comprennent des vidéos, des exercices de réflexivité et la familiarisation avec des outils d'aide à la décision leur permettant d'informer efficacement leurs patients des bénéfices et des risques. Un système de rappel est également mis en place pour s'assurer que les médecins ont à leur disposition les outils nécessaires à une prise de décision partagée.

Après un projet pilote, Décision +2 a été testé en 2010 auprès de patients et de médecins de neuf unités de médecine familiale (UMF) du programme de résidence en médecine familiale de l'Université Laval, dont quatre constituaient le groupe témoin. Chacun des médecins des cinq UMF ayant bénéficié du programme a suivi le tutoriel et l'atelier, et a pu utiliser les outils lors des consultations avec les patients. Les résultats de l'étude sont très concluants. En effet, seulement le quart des 181 patients interrogés après leur consultation et issus des groupes exposés au programme ont indiqué avoir décidé de consommer des antibiotiques, comparativement à plus de la moitié des 178 patients du groupe témoin.

Les résultats de ce projet ont eu des retombées immédiates sur les programmes de formation universitaire en médecine familiale. En effet, la Faculté de médecine de l'Université Laval a fait de Décision +2 un cours obligatoire de son programme de résidence. Plusieurs présentations de formation continue ont également eu lieu auprès de médecins en pratique. L'équipe de France Légaré est actuellement en pourparlers afin d'implanter le programme à plus grande échelle, tant dans la francophonie que dans le monde anglophone.

Si ce programme devait être suivi de façon systématique par l'ensemble des médecins de famille du Québec, on peut s'attendre à ce que la fréquence de prescription d'antibiotiques pour les IRA diminue sans risque pour la santé des patients.