/ La recherche au quotidien / Non, un vaccin à ARNm n’est pas une thérapie ...
Détecteur de rumeurs

Non, un vaccin à ARNm n’est pas une thérapie génique

Les articles du Détecteur de rumeurs sont rédigés par des journalistes
scientifiques de l'Agence Science-Presse. Les Fonds de recherche du Québec et
le Bureau de coopération interuniversitaire sont partenaires du Détecteur de rumeurs.

Auteur : Agence Science Presse - Catherine Crépeau et Ève Beaudin

Vaccins à ARN messager et thérapies géniques ont très souvent été amalgamés, à tort : on a en effet prétendu de ces vaccins qu’ils pouvaient « modifier nos gènes ». Bien que l’affirmation ait été maintes fois réfutée depuis un an et plus, le Détecteur de rumeurs a choisi de plonger au cœur du sujet, cette fois avec des images à l’appui.

1) Distinguer l’ADN de l’ARN messager

Il faut d’abord distinguer l’ARN de l’ADN. L’ADN (acide désoxyribonucléique) est une longue molécule en forme de double hélice qui contient notre information génétique. Il est logé dans le noyau des cellules.

L'ADN contient les instructions nécessaires à toutes les étapes de la vie d’un organisme: survie, développement, reproduction, etc. Pour remplir ces fonctions, des séquences d'ADN doivent être converties ou « transcrites » en « messages » servant à la production des protéines, les molécules qui effectuent la majeure partie du travail dans notre corps.

Cette transcription est faite par des enzymes présentes dans le noyau. Elles lisent d’abord l'information contenue dans l'ADN, puis la transcrivent en une molécule intermédiaire : c’est l’ARNm, ou ARN messager, de son nom complet acide ribonucléique messager. Ensuite, l’ARNm est exporté hors du noyau de la cellule: là, les ribosomes décodent l'information contenue dans cet ARN messager et la traduisent dans un langage compris par les protéines que ces ribosomes ont pour fonction de synthétiser. L’ARNm étant instable et fragile, il est détruit rapidement après avoir rempli cette « mission ».

2) Que vise le vaccin à ARN messager

Rappelons que le principe de base de toute vaccination est de déclencher une réponse de notre système immunitaire contre un virus et de stimuler la production de ce qu’on appelle des cellules mémoires, qui nous protégeront en cas d’infection. Par exemple, cela peut reposer sur l’administration, dans le vaccin, d’une version atténuée ou inactivée du virus ou de certaines de ses protéines.

Les vaccins à ARNm, comme ceux utilisés contre la COVID-19, utilisent une approche différente : ils contiennent des instructions pour apprendre aux cellules comment fabriquer une protéine propre au virus. Dans ce type de vaccins, les instructions sont inscrites sous la forme d’une molécule d’ARN messager, de là leur nom de « vaccins à ARNm».

Pour livrer ses instructions aux cellules, l’ARNm présent dans les vaccins contre la COVID-19, comme ceux de Pfizer et de Moderna, n’a pas besoin d’entrer dans le noyau des cellules, là où se trouvent nos gènes. Il n’a qu’à pénétrer dans le reste de la cellule, le cytoplasme, pour apprendre aux ribosomes comment fabriquer la protéine spike propre au virus de la COVID-19, et créer des anticorps pour le combattre.

3) Que vise la thérapie génique

En comparaison, la thérapie génique consiste à apporter des modifications délibérées à l’ADN d’un patient, par exemple afin de guérir ou de traiter une maladie génétique, comme l’hémophilie ou la fibrose kystique. Et pour cela, il faut entrer dans le noyau, là où se trouve l’ADN et donc, nos gènes.

Concrètement, il s’agit « d’introduire du matériel génétique (sous forme d’ADN ou d’ARN) » à l’intérieur d’une cellule ciblée « pour conduire à un effet physiologique souhaité », résume la Société française de thérapie cellulaire et génique. Cela peut se faire de plusieurs manières, comme remplacer un gène défectueux par une alternative fonctionnelle, désactiver un gène pathogène ou introduire un nouveau gène pour aider les cellules immunitaires à reconnaitre une maladie et à l’éliminer, précise la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis.

 

4) Distinguer vaccin à ARN et thérapie génique

On peut comprendre le parallèle qui a été fait : les deux mécanismes consistent à « introduire du matériel génétique » dans une cellule. Mais là s’arrête la comparaison : le vaccin à ARNm ne vise pas à altérer nos gènes, et il en est même incapable.

Le vaccin à ARNm contre la COVID ne vise qu’à enseigner à nos cellules comment fabriquer la protéine spike.

Comme il ne peut pas pénétrer le noyau — séparé du reste de la cellule par sa propre membrane — le vaccin à ARNm contre la COVID ne peut donc pas interagir avec notre génome ni modifier nos gènes, au contraire d’une thérapie génique. « Rien à voir avec la création d’un OGM », ironise l’INSERM. Et même si ce brin d’ARN possédait la séquence d’acides aminés nécessaire pour traverser cette membrane (appelée signal de localisation nucléaire), il lui faudrait encore être transcrite en ADN pour faire des changements dans nos gènes, ce dont l’ARN est incapable sans une enzyme, appelée transcriptase.

De plus, comme on l’a dit plus haut, l’ARN est une molécule fragile et instable : une fois le morceau de protéine fabriqué, les ARNm sont décomposés par la cellule. Ils auront disparu quelques jours après la vaccination, selon le CDC.

En comparaison, les thérapies géniques peuvent avoir des effets durables — c’est leur objectif — car elles modifient de manière permanente l’ADN de la cellule. Ces modifications étant héritées par toutes les cellules filles qui résultent de la division de la cellule, elles peuvent persister pendant des années.

Verdict

Les vaccins à ARN messager ne sont pas de la thérapie génique parce que le matériel génétique qu’ils contiennent ne pénètre pas dans le noyau de la cellule, là où se trouve l’ADN. Ils n’ont pas la capacité d’intégrer le génome ou de le modifier.