Auteur : Agence Science Presse - Catherine Couturier
Les articles du Détecteur de rumeurs sont rédigés par des journalistes
scientifiques de l'Agence Science-Presse. Les Fonds de recherche du Québec et
le Bureau de coopération interuniversitaire sont partenaires du Détecteur de rumeurs.
L’une des rumeurs récurrentes depuis l’an dernier est que la pandémie aurait été exagérée, parce que les tests PCR ne seraient pas fiables, ou bien parce qu’ils exagéreraient le nombre de cas. Le Détecteur de rumeurs revient sur quelques concepts de base.
Ce qu’est le test PCR
Le test PCR (acronyme anglais pour réaction en chaîne par polymérase) est utilisé depuis le début de la pandémie pour déterminer si une personne est porteuse du virus. Le test consiste à analyser en laboratoire l’échantillon prélevé dans la narine par le long coton-tige (ou écouvillon), dans le but d’y détecter la présence du virus, ou plus exactement d’une partie de son génome. On le désigne parfois en français par le terme TAAN (test par amplification d’acides nucléiques)
Pour qu’il soit possible de détecter ces fragments d’ADN, le test fait d’abord de multiples copies de la séquence génétique du virus. C’est ce qu’on appelle les cycles d’amplification. Il faut plusieurs cycles pour amener le matériel génétique à un niveau détectable. Depuis l’an dernier, on a souvent parlé d’un seuil de 40 cycles, et c’est là que se situe l’enjeu : plus le nombre de cycles nécessaires pour arriver à détecter le virus est élevé, moins la charge virale est élevée. Par conséquent, aurait-on déclaré « positifs » un grand nombre de gens dont la charge virale était tellement basse qu’ils n’étaient pas contagieux ? Ou pire, aurait-on détecté un grand nombre de cas qui n’en étaient pas, en d’autres termes, des « faux positifs » ?
Quatre choses à savoir sur les tests PCR
La première chose à retenir sur ces tests est que le seuil « maximum » d’amplification n’est pas toujours de 40 cycles. Comme le rappelait dès octobre 2020 le journaliste Jean-François Cliche, « ce n’est pas une limite absolue ni universelle » : cela peut varier selon le fabricant et d’une machine à l’autre.
Deuxièmement, même s’il est inévitable que, dans tout dépistage de masse, il y ait des faux positifs, il existe néanmoins des moyens pour détecter les anomalies. Un « lot » de prélèvements provenant d’un même endroit peut être comparé à un autre du même endroit. Ou bien des échantillons peuvent être à nouveau testés. Selon une évaluation du ministère de la Santé de l’Ontario menée l’été dernier, le taux de faux positifs sur son territoire serait inférieur à 0,01 %.
En troisième lieu, il faut noter que la plupart des cas sont détectés après un petit nombre de cycles : 80 % des tests positifs surviendraient entre 12 et 25 cycles d’amplification, selon une estimation du spécialiste Maurice Boissinot cité par Jean-François Cliche.
Enfin, les experts continuent de débattre de ce que serait le seuil de charge virale au-dessus duquel une personne est vraiment contagieuse. Faute de consensus sur un tel chiffre, il est impossible d’affirmer quel pourcentage des tests PCR aurait détecté des gens qui n’étaient pas contagieux.
Tout au plus, proposait un infectiologue français l’automne dernier dans Le Monde, la santé publique d’un pays pourrait-elle faire un choix, par exemple de n’allouer ses ressources qu’à cibler ceux qui ont été décrétés positifs à moins de 35 cycles, voire moins de 30. Cela ne voudrait pas dire que les autres ne sont pas contagieux, juste qu’on les considérerait moins « à risque ».
Non, l’OMS n’a pas admis que les tests PCR avaient amplifié l'épidémie
L’hiver dernier, une variante de la rumeur sur la fiabilité des tests PCR s’est mise à circuler, à l’effet que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) aurait publié, le 13 janvier, de nouvelles lignes directrices consistant en un aveu de la non-fiabilité des tests PCR. Mais comme des journalistes l’ont expliqué, ces lignes directrices n’étaient qu’un rappel de bien lire les instructions propres à chaque fabricant. L’OMS n’avait d’ailleurs reçu qu’une dizaine de signalements de problèmes.
Deux choses à savoir sur l’inventeur du test PCR
L’Américain Karry Mullis est l’inventeur de la réaction en chaîne par polymérase en 1985, découverte qui lui a valu le Nobel de chimie en 1993. Or, des messages sur les médias sociaux ont prétendu qu’Il aurait avoué que son invention ne pourrait pas détecter des virus. Mais comme Le Monde, Full Fact et plusieurs autres l’ont expliqué, cette citation provient plutôt d’un texte d’un nommé John Lauritsen, dans lequel celui-ci parlait de la détection du virus du sida. De plus, prétendre que Mullis aurait parlé de l’actuel coronavirus est également faux, puisque Mullis est décédé à l’été 2019, avant la pandémie.
Trois choses à savoir sur la mesure de la gravité d’une pandémie
Au-delà des tests PCR, il faut se rappeler une notion de base sur les statistiques d’une pandémie. On n’en évalue pas la gravité à partir du nombre de cas, mais avant tout à partir du nombre d'hospitalisations et de décès. Le nombre de cas peut en effet fluctuer parce qu’on fait plus ou moins de tests. Il peut aussi être sous-estimé parce qu’un nombre indéterminé de gens malades ne se sont pas fait dépister.
Par ailleurs, une des principales craintes des autorités a toujours été le débordement des ressources hospitalières disponibles (comme on l’a vu en Italie au début de la pandémie ou le mois dernier en Inde), d’où la grande attention accordée au nombre d’hospitalisations, en particulier aux soins intensifs.
Enfin, ceux qui doutent de la gravité de la pandémie peuvent regarder ce qu’on appelle la mortalité excédentaire. Ce concept signifie qu’on compare le nombre de décès par semaine ou par mois, sur plusieurs années. Tous les morts excédentaires ne sont pas nécessairement liés à la COVID, mais au moment de la première vague, au printemps 2020, on pouvait observer au Québec une surmortalité de plus de 3100 personnes entre la mi-mars et la mi-mai, par rapport à la moyenne des années précédentes pour la même période
Le New York Times, qui compile des données de mortalité excédentaire pour tous les pays, estimait en février 2021 qu’il y avait eu, dans le monde, au moins 496 000 décès de plus causés par la COVID que ce que disait le bilan officiel des décès dans 35 pays.