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Détecteur de rumeurs

Non, cette vidéo n’a pas raison de comparer la COVID-19 à une grippe

Les articles du Détecteur de rumeurs sont rédigés par des journalistes
scientifiques de l'Agence Science-Presse. Les Fonds de recherche du Québec et
le Bureau de coopération interuniversitaire sont partenaires du Détecteur de rumeurs.

Auteur : Agence Science Presse - Pascal Lapointe

La COVID-19, ce n’est pas pire qu’une grippe? On aurait pu croire que cette question était réglée depuis des semaines, mais une vidéo partagée plus de 300 000 fois, sous le prétexte d’attaquer un expert américain en épidémies, la remet sur les rails. Le Détecteur de rumeurs a regardé la vidéo en réponse à une demande d’une lectrice, Susan.

L’auteur de la vidéo de 7 minutes, un « vlogueur » américain qui, sous le pseudonyme HighImpactVlogs, se décrit comme quelqu’un qui fait « des commentaires » et « interroge l’homme de la rue », s’en prend à un texte cosigné par l’immunologiste Anthony Fauci et paru le 26 mars dans le New England Journal of Medicine (NEJM).

Fauci, directeur de l'Institut national des allergies et maladies infectieuses, est ce scientifique qui, depuis quelques semaines, fait partie du groupe de travail de la Maison-Blanche contre le coronavirus. Il est souvent apparu sur le podium, aux côtés de Donald Trump, mais il est surtout devenu une bête noire d’une partie de la droite américaine, au point de recevoir des menaces, pour avoir fréquemment contredit Trump.

Dans ce texte du NEJM, qui est un texte d’opinion (un « éditorial ») passant en revue des estimations récentes sur le taux de mortalité, Anthony Fauci et deux collègues écrivent que ce coronavirus pourrait avoir des conséquences « comparables à une sévère grippe saisonnière (qui a un taux de mortalité d’approximativement 0,1%) ». C’est sur ce chiffre que s’acharne à plusieurs reprises le vlogueur : un taux similaire à la grippe saisonnière et « on ferme un pays pour ça »! s’exclame-t-il en montrant le passage en gros plan à l’écran.

Il passe toutefois sous silence le reste de la phrase : « … ou comparables à une pandémie de grippe (similaire à celles de 1957 et 1968) ». Or, la pandémie de 1957 a fait 116 000 morts aux États-Unis seulement (alors que la population était deux fois moins nombreuse qu’aujourd’hui) et un million de décès à travers le monde.

Vérifier le taux de contagion, pas le taux de mortalité

De plus, le taux de mortalité n’est pas le seul élément à prendre en considération pour évaluer le risque que pose un virus. Il faut s’arrêter avant tout à son taux de contagion ou « taux de reproduction » (appelé par les experts le facteur R0). Les estimations sur ce coronavirus varient pour l’instant d’un pays à l’autre, toutes les données étant encore fragmentaires, mais elles oscillent entre 2 et 2,5 personnes: autrement dit, chaque personne infectée par le coronavirus pourrait en infecter entre 2 et 3 autres. Il faut aussi rappeler que le R0 est une moyenne.

C’est moins pire que la rougeole, dont le taux de contagion est de 12, mais c’est pire que la grippe saisonnière, qui se rapproche de 1. À titre de comparaison, le taux de contagion de la grippe espagnole de 1918 est estimé par l’Organisation mondiale de la santé à 2,2.

Mise en ligne le 31 mars, la vidéo a été vue plus de 350 000 fois pendant sa première semaine de diffusion. Parallèlement, cette même semaine, le nombre quotidien de décès du coronavirus aux États-Unis a atteint des sommets qui n’avaient été atteints jusque-là dans aucun autre pays.

Verdict

Non, la COVID-19 n’est pas « juste une grippe ».

Les astuces du Détecteur de rumeurs sur Youtube

  • Si l’homme qui vous parle se décrit comme un militant, ou quelqu’un qui « brasse la cage », ou qui fait « des commentaires », c’est très bien pour lui, mais ça n’est pas un critère pour juger de la validité de l’information.
  • S’il cite une partie d’une phrase, demandez-vous pourquoi il n’a pas cité le reste.
  • S’il cite un chiffre, rappelez-vous que toute statistique sur l’actuel coronavirus devra être considérée avec prudence pendant des mois encore (voyez les conseils du Détecteur de rumeurs sur les chiffres d’une épidémie).

Il a fallu moins d’une minute au Détecteur de rumeurs pour trouver de l’information de base sur les pandémies de 1957 et de 1968.

 

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