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Détecteur de rumeurs

Non, cette vidéo n’a pas mis le doigt sur un traitement miracle

Les articles du Détecteur de rumeurs sont rédigés par des journalistes
scientifiques de l'Agence Science-Presse. Les Fonds de recherche du Québec et
le Bureau de coopération interuniversitaire sont partenaires du Détecteur de rumeurs.

Auteur : Agence Science Presse - Marion Spée

Les complications liées à la COVID-19 auraient « de nouvelles explications » et « un nouveau traitement » qui permettrait de sauver des vies : c’est ce que prétend une vidéo française diffusée sur YouTube le 11 avril et vue plus d’un million de fois. Mais ce sur quoi elle s’appuie est très mince, constate le Détecteur de rumeurs.  

Le YouTubeur, Silvano Trotta, découpe son récit en trois témoignages.

Le premier est celui d’un médecin urgentiste à New York qui, à la fin-mars, disait observer des « phénomènes différents d’une maladie supposée être une pneumonie virale ». Il compare les symptômes des cas les plus graves à ceux qui peuvent survenir à cause de l’altitude, comme une lente asphyxie. Il se questionne sur le fait que la maladie soit vraiment une pneumonie.

Le second témoignage est celui d’un médecin italien, qui dit avoir trouvé la cause de ces cas graves : le problème serait cardiovasculaire et non respiratoire. Selon lui, c’est la thrombose veineuse qui cause la mort des patients, pas la pneumonie. Le problème principal ne serait pas le coronavirus, mais l’inflammation qu’il provoque et qui est à l’origine de thromboses. Il préconise donc d’utiliser des anti-inflammatoires.

Le troisième témoignage est celui d’un fils qui félicite sa mère, la Dre Sabine Paliard-Franco, sur une publication Facebook. Elle a prescrit à ses patients COVID-19 deux antibiotiques et aurait obtenu une baisse des symptômes en 24 à 48 heures. Elle avait publié son rapport de cas sur un site associatif médical, qui a, depuis, retiré cette publication.

Ce qu’on sait
Ce qu’ont observé l’urgentiste américain et le médecin italien attire effectivement l’attention de nombreux experts. Si le virus s’en prend principalement aux poumons, cela n’empêche pas que d’autres organes sont aussi touchés. « Il semble y avoir un processus pro-thrombotique (c’est à dire la formation de caillots qui obstruent les vaisseaux sanguins) qui expliquerait l’atteinte des multiples organes », résume la Dre Caroline Quach, pédiatre, microbiologiste-infectiologue et épidémiologiste au CHU Ste-Justine.

Une étude observationnelle publiée le 30 avril dans la revue Thrombosis Research a par exemple montré que parmi 184 patients COVID-19 dans une unité de soins intensifs néerlandaise, 38% avaient déjà du sang qui coagulait anormalement. Si tous les patients ont reçu un traitement visant à réduire le risque de complications thrombotiques, 75 patients en ont développé. « La présence de caillots sanguins semble avoir un rôle important dans la gravité de la maladie. D’ailleurs, dans la plupart des protocoles maintenant, les patients en soins intensifs sont sous anticoagulant », ajoute la Dre Quach.

Quant à la prise d’anti-inflammatoire, poursuit-elle, ça fait partie des pistes de traitement. « L’aspect inflammation est très important. Mais il est crucial d’administrer les anti-inflammatoires au bon moment. »

Il faut se rappeler que l’inflammation est la réponse de notre corps contre un agent étranger. « Si l’équilibre ne se rétablit pas correctement, l’inflammation persiste et nous joue des tours », résume la Dre Quach. Les anti-inflammatoires permettent, dans ce cas, de réduire l’activité du système immunitaire. Par contre, s’ils sont pris au mauvais moment, cet affaiblissement du système immunitaire peut favoriser la progression de l’infection.

Ça n’est donc pas si simple. « Toute l’homéostasie du corps humain est très bien définie et quand on se met à jouer avec et qu’on le fait au mauvais moment, ça peut avoir des effets dramatiques », détaille Caroline Quach, qui précise qu’on ne connaît pas encore la bonne fenêtre temporelle pour administrer les anti-inflammatoires.

Rappelons que des centaines d’études cliniques sont actuellement en cours dans le monde pour tenter de trouver une arme contre le coronavirus.

Les faiblesses de la vidéo
L’auteur nous rappelle à quelques reprises qu’il n’est pas médecin et que les informations qu’il donne proviennent de ses abonnés. Pourtant, il présente son argumentaire comme une solution à la crise actuelle et annonce « un traitement tout à fait spectaculaire ». Alors qu’en fait, les trois témoignages qu’il met bout à bout n’apportent pas une solution et vont dans le sens d’observations déjà faites par d’autres experts.

« Ces antibiotiques sont ceux qu’on donne habituellement pour les pneumonies sévères acquises en communauté, explique la Dre Quach. L’un d’eux, l’azithromycine, est d’ailleurs reconnu pour avoir une activité anti-inflammatoire ». Selon la spécialiste, l’idée n’est pas farfelue. Mais elle rappelle que s’il est normal de tout tenter quand on a un patient mourant devant soi, on ne peut pas proposer le même traitement à toute une population sans avoir fait des études plus poussées.

Verdict
S’il est important de garder l’esprit ouvert alors que le phénomène progresse et qu’on continue d’en apprendre sur ce nouveau virus, il ne faut pas tirer de conclusions trop hâtives.

L’astuce du Détecteur de rumeurs face aux vidéos YouTube

  • Avant de partager une vidéo, il est toujours bon de savoir qui est l’auteur. Cliquez sur sa signature ou sur son onglet « À propos » pour en savoir plus sur lui.
  • Allez voir les autres vidéos publiées par cet auteur. Si vous découvrez qu’elles parlent de « vérités cachées » sur la Bible, les missions Apollo ou sur le 11 septembre, méfiez-vous.
  • Même quand le narrateur cite des médecins, il faut se demander s’il s’agit de l’opinion de ces médecins ou s’ils s’appuient sur des études, donc des données vérifiables.

 

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