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Détecteur de rumeurs

L’immigration en croissance rapide ? Faux

Le Détecteur de rumeurs est produit par l'Agence Science-Presse, en partenariat avec
les Fonds de recherche du Québec et le Bureau de coopération interuniversitaire

L’immigration est devenue un enjeu électoral dans plusieurs pays, voire une obsession pour certains gouvernements. À entendre des politiciens comme Donald Trump aux États-Unis ou Matteo Salvini en Italie, on pourrait conclure qu’une catastrophe est en devenir : leur pays serait en train d’être submergé par des vagues d’immigrants hostiles ou de réfugiés dangereux. Une recherche réalisée par le Détecteur de rumeurs révèle pourtant des chiffres qui sont en contradiction avec ce discours alarmiste.  

La méthode du Détecteur

Toute statistique sur le nombre « d’immigrants » par année dans un pays reflète mal la situation : elle calcule pêle-mêle tous ceux qui ont franchi la frontière, mais ne tient pas compte du fait qu’un grand nombre ne resteront que quelques mois ou quelques années (c’est ce qu’on appelle parfois le « taux de rétention ») et que plusieurs demanderont un statut qui leur sera refusé.

Pour avoir une idée plus juste de la situation, le Détecteur de rumeurs a donc choisi de commencer par aller chercher le nombre de gens qui ont obtenu, chaque année depuis 2006, leur statut de résident permanent : un statut qui traduit mieux la réalité de l’immigration, puisqu’il témoigne de la volonté à s’installer pour de bon dans le nouveau pays.

La plupart des pays offrent un statut de résident permanent : c’est un statut qui permet de vivre et de travailler dans le pays d’accueil indéfiniment.

Le Détecteur de rumeurs a également choisi de traiter les chiffres de 4 pays — le Canada, les États-Unis, la France et l’Italie — afin de disposer d’une base de comparaison. Ces pays ont été choisis parce qu’à des degrés divers, ils ont tous été marqués par des débats épineux sur l’immigration ces dernières années.

 

1) Résidents permanents : pas de croissance notable


Entre 2006 et 2016, le nombre de résidents permanents au Canada est passé de 251 600 à 296 300, soit une augmentation de 15 % sur 10 ans. C’est inférieur à la France, où la croissance a été de 22 % sur 10 ans.

En comparaison, l’augmentation de la population canadienne pendant la même période a été de 10 % (pour atteindre 35 151 728 au recensement de 2016).

L’Italie est le seul de nos quatre pays qui connaît une baisse sensible du nombre de nouveaux résidents permanents pendant toute cette décennie. Pourtant, c’est ce même pays qui a élu en mars un gouvernement d’extrême-droite, au terme d’une campagne électorale fortement marquée par les craintes liées à l’immigration.

Les États-Unis sont quant à eux dans une position mitoyenne : une hausse plus rapide que les trois autres pays entre 2013 et 2016 (19 %). Mais cette hausse, en 2016, avec 1 183 505 personnes, les laissait encore en-dessous du seuil de 2006 (1 266 129).

 

2) Demandes d’asiles : un phénomène européen d’abord

Les immigrants qui ont fait le plus parler d’eux ces dernières années sont les réfugiés et les demandeurs d’asiles (voir les définitions dans l’encadré).

Ainsi, au cours de la dernière décennie, on a observé une croissance plus nette dans le nombre total de demandes d’asile — c’est-à-dire ceux qui ont fait une demande, mais qui sont encore en attente de savoir s’ils seront acceptés.

Une hausse est observée dans les quatre pays depuis le début des années 2010, ou depuis 2013 au Canada. Cette hausse est beaucoup plus prononcée en France et en Italie qu’au Canada et aux États-Unis (ce dernier est le seul des quatre pays dont on ne disposait pas encore de données pour 2017 au moment de notre recherche). Le Canada n’est revenu qu’en 2017 au pic qui avait été atteint 10 ans plus tôt.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

3) Demandeurs d’asile : plus d’appelés que d’élus

Toutefois, il faut se rappeler qu’une fois qu’un demandeur d’asile passe la frontière, un long chemin de croix commence pour lui : non seulement les demandes ne seront-elles pas toutes acceptées, mais en plus, les délais varient d’un pays à l’autre.

Le pourcentage d’acceptation de la demande d’asile varie lui aussi d’un pays à l’autre. Un peu plus du quart (29,4 %) ont été acceptés en France en 2017 alors qu’en Italie, le taux était de 41 %. Au Canada, entre 2014 et 2017, le taux d’acceptation a varié entre 60 et 63 %.

 

4) Demandeurs d’asiles : infimes par rapport aux résidents permanents

Or, l’espace médiatique occupé par les demandeurs d’asile est disproportionné par rapport à leur poids démographique, révèlent les chiffres obtenus par le Détecteur de rumeurs.  

Chacun des tableaux suivants montre, en gris, le total des résidents permanents (c’est-à-dire ceux qui étaient calculés au début de ce texte) et en rouge, le total des demandeurs d’asile acceptés entre 2006 et 2016. Dans le cas canadien, les données sur les demandes d’asiles acceptées ne sont disponibles qu’à partir de 2013.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- Laurie Noreau
Infographies : Normand Bastien

 

Demandeurs d’asile ou réfugiés ?

Les définitions sont légèrement différentes selon les pays, mais généralement, les réfugiés correspondent à la définition établie lors de la Convention de Genève en 1951 sur le statut de réfugié : une personne située à l’extérieur de son pays d’origine et qui craint d’être persécutée en raison de sa race, sa religion, sa nationalité, son appartenance à un groupe social ou ses opinions politiques.

La principale distinction entre les deux dépend du lieu où la demande a été faite. Un réfugié fera sa demande à l’extérieur de son pays d’accueil. Un demandeur d’asile est considéré comme tel s’il se présente aux frontières du pays d’accueil ou s’il les a franchies. Les Haïtiens qui entraient au Québec depuis les États-Unis en 2017 et au début de 2018 étaient donc considérés comme des demandeurs d’asile puisqu’ils avaient franchi les frontières canadiennes au moment de leur interception.

Au Canada, lorsque la demande est acceptée, le demandeur d’asile a qualité de réfugié au sens de la Convention ou de celle de personne à protéger. Les personnes à protéger doivent démontrer que, si elles retournent dans leur pays d’origine, elles seront exposées au risque d’être soumises à la torture, à une menace à leur vie ou à des traitements cruels.

Pour colliger ces données, nous nous sommes appuyés sur :

À noter que certaines des données de 2017 n’étaient pas disponibles au moment de notre recherche.

Pour aller plus loin

 

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