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Les Fonds de recherche du Québec et le Bureau de coopération interuniversitaire sont partenaires du Détecteur de rumeurs.
Auteur : Agence Science Presse – Pascal Lapointe
La « COP28 », ou 28e conférence annuelle des Nations unies sur les changements climatiques, a lieu du 30 novembre au 12 décembre à Dubaï, dans les Émirats arabes unis. Le Détecteur de rumeurs effectue un survol rapide du jargon très particulier de ces rencontres qui remontent aux années 1990.
Que veut dire COP ?
COP signifie « Conférence des parties » (Conference of Parties). Les « parties » sont en l’occurrence les pays qui sont signataires du traité où tout a commencé…
… c’est-à-dire la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Elle a été signée à Rio en 1992, au « Sommet de la Terre ». Les pays ont commencé à tenir des COP annuelles en 1995. Dès la troisième, en 1997, certains ont signé…
… le Protocole de Kyoto, le premier traité international définissant des cibles de réduction des gaz à effet de serre (GES). Il ne s’adressait qu’aux pays riches, ceux-ci se reconnaissant du coup une responsabilité dans les changements climatiques. Le Protocole de Kyoto arrivant à échéance dans les années 2010, il lui fallait un successeur. Ce fut…
… l’Accord de Paris en 2015, le premier traité réunissant la totalité des pays. Ceux-ci s’engageaient à annoncer publiquement leurs cibles de réduction des GES. On appelle ces cibles les…
… contributions déterminées au niveau national. Par exemple, le Canada a annoncé qu’il réduirait ses GES de 40 à 45% d’ici 2030 (par rapport aux niveaux de 2005) et a promis d’atteindre « la carboneutralité en 2050 ». Chaque pays a dû soumettre de telles promesses. Problème : l’Accord de Paris est…
… un accord non contraignant, ce qui veut dire que même si un pays n’atteint pas ses cibles, il n’y aura aucune pénalité. La seule « contrainte » était de soumettre des promesses de réduction des GES ajustées à la hausse tous les cinq ans…
… et ils ont été nombreux à soumettre des cibles plus élevées à la COP de Glasgow en 2021, puis à nouveau en 2022. Mais ces cibles restent non contraignantes.
Quelle est l’utilité de promesses non contraignantes?
Elles permettent de calculer la trajectoire sur laquelle nous sommes par rapport au seuil…
…de 2 degrés Celsius ou de 1,5 degré Celsius. Ces deux chiffres, souvent cités, réfèrent à l’augmentation de la température moyenne de la planète…
… depuis la Révolution industrielle, au XIXe siècle, ce moment où l’humanité a commencé à utiliser du charbon, puis du pétrole, à grande échelle. Aujourd’hui, nous en sommes à 1,2 degré d’augmentation. Si on s’inquiète de ces seuils, c’est parce que les scientifiques ont identifié dans les dernières décennies…
… des points de bascule (en anglais, tipping points) : au-delà de 1,5 ou 2 degrés, différents systèmes de notre planète subiront des perturbations irréversibles (glaces de l’Arctique, Amazonie, Gulf Stream, pergélisol, récifs de corail, etc.).
Où en sommes-nous quant à ces promesses ?
En 2030, les gaz à effet de serre auront augmenté de 8,8% par rapport à leurs niveaux de 2010, selon la plus récente compilation des cibles des différents pays (leurs « contributions déterminées au niveau national »), publiée le 14 novembre 2023 par le secrétariat de la CCNUCC.
Et ça, c’est si tous les pays respectent leurs promesses d’atteindre ces cibles.
C’est légèrement moins pire que l’an dernier, alors qu’on calculait plutôt, pour 2030, une augmentation des GES de 10,6% par rapport aux niveaux de 2010. En fait, si on compare plutôt avec les niveaux de 2019, on pourrait même atteindre une réduction de 2%, selon la même compilation. Un « pic » des émissions mondiales est donc en vue.
Mais c’est insuffisant pour éviter de dépasser le seuil du 1,5 degré: il faudrait pour cela une réduction de 40% des GES mondiaux d’ici 2030. C’est également insuffisant pour éviter de dépasser les 2 degrés avant la fin du siècle.
Où en serons-nous à la fin du siècle? Si tous les pays respectent leurs promesses, la plus récente évaluation annuelle fait état d’un réchauffement se situant entre 2,5 et 2,9 degrés.
Que peut faire la communauté internationale pour limiter les dégâts?
Sachant qu’il y aura inévitablement des dégâts, et qu’ils seront de plus en plus coûteux, les négociations lors des COP se sont centrées sur deux mots-clefs:
1) Atténuation: Ce concept renvoie aux mesures à prendre pour minimiser les dégâts futurs. Construire des barrières anti-inondations, protéger les forêts, fermer les centrales au charbon, taxer le carbone, etc.
2) Adaptation: Ce concept renvoie aux mesures à prendre pour régler les problèmes qui nous affectent d’ores et déjà. Climatiser les bâtiments sensibles aux canicules, déplacer des routes ou des quartiers à risque d’être inondés, accroître l’efficacité énergétique, faire la transition vers des énergies propres, etc.
Que faire pour les pays qui n’ont pas les moyens de s’adapter?
Pertes et préjudices: Ce concept (en anglais, loss and damage), plus controversé que les deux précédents, renvoie à l’idée que les pays plus riches devraient compenser les plus pauvres pour leurs pertes, puisque ce sont les pays riches qui, depuis deux siècles, ont davantage contribué au problème. Bien que le terme fasse partie des COP depuis 2007, il s’est toujours heurté au blocage de l'admission, par les pays riches, de leur niveau de responsabilité. En 2022, pour la première fois, une entente est intervenue pour créer un fonds spécialement dédié à l’aide à la reconstruction ou aux réparations. Les premières recommandations sur sa mise en place pourraient être adoptées à la COP28.
Ce nouveau fonds ne doit pas être confondu avec…
… le Fonds vert pour le climat. Créé en 2010, il sert à financer, dans les pays en voie de développement, des projets d’atténuation ou d’adaptation. Les pays donateurs s’étaient à l’époque donné pour cible 100 milliards$ par an. L’objectif a peut-être été atteint en 2022, selon une compilation de l’OCDE parue en novembre 2023. Le gros de cet argent est toutefois sous la forme de prêts, et non de dons et les critères d’attribution ont été souvent critiqués. Des pourparlers sont en cours pour un programme qui serait plus ambitieux.