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Les microbes humains sous la loupe d’une écologiste

Les êtres humains sont faits de microbes. Des trillions de micro-organismes – bactéries, virus, champignons – colonisent notre corps, en particulier notre système digestif, et ont un impact sur notre santé. Pourtant, on connaît mal les interactions entre ces différentes espèces microbiennes. Corinne Maurice, professeure au Département de microbiologie et immunologie de l’Université McGill, a donc décidé de mettre l’approche médicale de côté et d’aborder le microbiome – soit le corps humain et ses microbes – comme un écosystème naturel. Cette vision novatrice issue de ses études en microbiologie et écologie aquatique devrait notamment lui permettre de mieux comprendre le rôle des virus – ou bactériophages, les prédateurs naturels des bactéries – et peut-être, ultimement, de les exploiter pour nous soigner.

Du lac à l’humain

Dans le cadre de son postdoctorat, Corinne Maurice a adapté le cytomètre en flux pour l’organisme humain. Une première ! Cette technique propre aux milieux aquatiques permet de caractériser individuellement les bactéries en suspension dans un liquide en les faisant défiler à grande vitesse dans le faisceau d’un laser. La scientifique l’utilise aujourd’hui en combinaison avec la microscopie électronique, la fluorescence et le séquençage d’ADN, pour mieux cerner les interactions entre les micro-organismes de notre corps. « Je considère l’être humain comme un lac abritant une communauté microbienne unique, explique la chercheuse. Comme pour un plan d’eau, je tente de comprendre la nature des micro-organismes actifs dans l’intestin plutôt que de simplement connaître leur diversité. Quels sont leurs rôles ? Quels nutriments mangent-ils ? Comment interagissent-ils chez une personne en santé et chez un individu malade ? »

Cette approche originale a valu à Corinne Maurice d’être nommée, à 32 ans, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en physiologie microbienne intestinale et, un an plus tard, chercheuse mondiale ICRA-Azrieli au sein du projet microbiome humain. Ce programme reconnaît les chercheurs exceptionnels en début de carrière en les finançant et en les intégrant à un réseau international de scientifiques qui traitent d’un même sujet.

Conciliation recherche-famille

Cette ascension vers les hautes sphères de la recherche ne s’est évidemment pas faite sans sacrifices. « Pendant 15 ans, je n’ai pratiquement jamais rangé mes valises ! » souligne celle qui a quitté sa région natale, l’Île Maurice, pour poursuivre ses études supérieures à l’Université de Montpellier 2, en France, puis à l’Université Harvard. C’est finalement à Montréal qu’elle a défait ses bagages et décidé de fonder une famille. Enceinte de son premier enfant, la jeune femme de 34 ans se sent prête à concilier recherche et famille, contrairement à plusieurs de ses collègues qui ont délaissé la voie universitaire. La précarité financière durant les études supérieures et les nombreux déplacements en refroidissent plus d’une. Et pour celles qui se lancent dans l’aventure, la maternité ralentit la production scientifique, ce qui n’est pas toujours bien vu lors des demandes de subvention. Corinne Maurice espère que les mentalités évolueront pour faire tomber les préjugés et encourager les femmes à investir la sphère scientifique. La future maman saura certainement paver la voie à la prochaine génération…


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