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Détecteur de rumeurs

Les femmes au volant causent plus d’accidents ? Faux

Les articles du Détecteur de rumeurs sont rédigés par des journalistes
scientifiques de l'Agence Science-Presse. Les Fonds de recherche du Québec et
le Bureau de coopération interuniversitaire sont partenaires du Détecteur de rumeurs.

Auteur : Agence Science Presse - Catherine Couturier

C’est un des mythes les plus sexistes qui soient, et il a la vie dure : « attention, femme au volant ». Ou en France, « femme au volant, mort au tournant ». Or, les statistiques disent exactement le contraire : c’est à l’homme que revient la palme des accidents, constate le Détecteur de rumeurs.

Selon les plus récentes statistiques de la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ), le nombre de conducteurs impliqués dans un accident est en effet plus élevé que le nombre de conductrices, toutes catégories confondues.

Par exemple, 9 conducteurs détenteurs d’un permis sur 1000 ont été impliqués dans un accident en 2019 au Québec. Du côté des femmes, seulement 6,5 sur 1000.

Si l’on observe plus spécifiquement les accidents mortels et graves (nécessitant une hospitalisation), les hommes sont presque 3 fois plus nombreux (1595 contre 595, selon le bilan 2019 de la SAAQ qui sera bientôt en ligne). L’écart se resserre pour ce qui est des accidents légers, mais les hommes restent responsables de 59 % d’entre eux.

Et ce n’est pas parce que les hommes sont beaucoup plus nombreux à prendre le volant : 52 % des permis de conduire au Québec sont détenus par des hommes, contre 48 % par des femmes.

Autre statistique troublante : dans le cas de la conduite avec facultés affaiblies, 76 % des infractions impliquaient des hommes en 2018.

Pour ce qui est de la distribution des contrevenants au Code de la sécurité routière ou au Code criminel (conduite avec facultés affaiblies, délit de fuite, etc.), les hommes y sont, là encore, surreprésentés. On note ainsi que les con-trevenants pour l’ensemble des infractions au Code de la sécurité routière sont en majorité des hommes (67 % en 2018). Au criminel, plus de 76 % des infractions ont été attribuées aux hommes en 2018. Dans cette catégorie, on note que 2018 représente une légère baisse par rapport à la moyenne de la décennie 2009-2018, alors que les hommes avaient été impliqués dans 81,2 % des infractions au Code criminel.

Les tenants du mythe sexiste avancent parfois un dernier argument : le plus grand nombre d’infractions imputé aux hommes s’expliquerait par le fait que ceux-ci parcourent un plus grand nombre de kilomètres.

Or, selon une enquête menée en 2017 aux États-Unis (le National Household Travel Survey), les hommes rapportent parcourir en moyenne des distances seulement une fois et demie plus grandes que les femmes, avec un écart qui s’accentue à partir de 55 ans. Cela laisse tout de même aux hommes une plus grande part des accidents et infractions par kilomètre parcouru.

L’origine du cliché

Malgré les chiffres, pourquoi ce cliché sur les femmes au volant est-il aussi persis-tant ? Marie Claude Ouimet, professeure à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke, y voit un héritage du passé. Jusqu’à la Se-conde Guerre mondiale, rappelle-t-elle, « la conduite d’un véhicule à moteur était essentiellement “une affaire d’homme” ».

Encore en 1978, année où la SAAQ a commencé à compiler les données sur les déten-teurs de permis de conduire, les femmes ne représentaient que 37,7 % des titulaires. Il aura fallu encore 40 ans avant que les femmes détiennent près de la moitié des permis.

Il est aussi possible que le cliché repose sur un autre critère, celui de « bon conduc-teur », poursuit Mme Ouimet. « Un bon conducteur a longtemps été une personne qui s’apparentait le plus possible à un pilote de course, qui pouvait faire de la vitesse tout en restant en contrôle de son véhicule. »

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