Auteur : Agence Science Presse – Catherine Crépeau
Les ondes wi-fi nuiraient à la croissance des plantes, si on en croit une vidéo qui a largement circulé sur les réseaux sociaux à la fin de 2019. Des élèves auraient « démontré » que des semences placées en présence d’un routeur fonctionnel ne germaient pas. Le Détecteur de rumeurs a des doutes.
L’origine de la rumeur
La vidéo a été mise en ligne en septembre par Pioneers of science, une organisation créée quelques mois plus tôt par un prof de science d’une école secondaire du Maine, avec pour but de diffuser des vidéos démontrant les dangers du wi-fi. Cette vidéo, qui est leur première, montre une expérience menée par cet enseignant et ses élèves de secondaire 2. Ils ont placé des semences de cresson et un routeur dans deux boites en plastique recouvertes de papier d’aluminium —ce qu’on appelle une « cage de Faraday », censée isoler les graines des ondes extérieures. Dans la première boite, on avait placé un routeur dont le réseau était activé, et dans la seconde, un routeur dont l’accès au réseau était coupé. Après trois jours, les semences de la première boite n’étaient pas sorties de terre, alors que toutes les semences de la seconde ont germé.
Les critiques
La méthode « pseudoscientifique » a été largement critiquée, notamment par les internautes. Les commentaires sous la vidéo ont depuis été désactivés. Plusieurs ont avancé une explication simple : la chaleur dégagée par le rayonnement du wi-fi, même minime, a pu retarder la germination des graines de cresson. Cette sensibilité particulière du cresson à des différences de températures aussi faibles que 0,3°C est connue depuis plusieurs années.
Comme il n’y avait pas de thermomètre dans les boîtes, on ignore la différence de température entre elles.
Mais surtout, les auteurs oublient de mentionner que la puissance – déjà faible – des ondes émises par le routeur diminue dès qu’on s’en éloigne. Cette atténuation des ondes dans l’air rend difficile d’extrapoler les résultats obtenus avec des graines de cresson aux animaux ou aux humains —qui, de plus, sont en mouvement. Enfin, l’expérience n’a pas été reproduite, ce qui, en science, invite toujours à la prudence.
Ce n’était cependant pas la première du genre. En 2013, l’expérience de cinq collégiennes danoises avait été largement diffusée sur le web. Les étudiantes avaient préparé 12 assiettes de semences de cresson. Six avaient été placées près des fenêtres dans une pièce exposée aux ondes wi-fi (on avait placé à proximité des assiettes plusieurs routeurs et plusieurs ordinateurs) et six avaient été placées à la fenêtre d’une pièce dépourvue de ces équipements. Après 12 jours, les semences exposées aux ondes avaient germé moins rapidement que celles qui n’avaient pas été exposées. Les conditions de l’expérience ne permettaient toutefois pas de déterminer s’il s’agissait d’effets négatifs permanents ou d’un simple retard de croissance. Et par ailleurs, ici encore, la chaleur générée par les routeurs pourrait expliquer le retard de croissance puisque le cresson y est sensible, souligne l’Agence France-Presse dans sa chronique de vérification des faits.
Ondes à risque ?
Il faut rappeler que de nombreuses études ont été menées sur les effets des ondes sur la santé. Certaines ont suggéré dans le passé qu’une exposition prolongée pouvait, même à faible intensité, avoir certains effets sur le métabolisme de systèmes simples (embryons de poulet, cellules nerveuses en culture, etc.). Mais selon une évaluation de l’Institut national de santé publique du Québec, à l’exception de la chaleur, aucun effet néfaste des ondes cellulaires, radio ou wi-fi, n’a été clairement démontré.
Il faut se rappeler que lorsqu’on parle des rayonnements électromagnétiques dans leur ensemble, il faut distinguer les ondes ionisantes, des ondes non ionisantes. Seules les premières sont assez puissantes pour briser les molécules à l’intérieur du corps, comme notre ADN —ce qui peut entrainer des mutations et causer le cancer. On retrouve dans cette catégorie les rayons cosmiques et les rayons gamma émis par certaines matières radioactives, ainsi qu’une petite fraction de nos technologies, comme les radiographies. En revanche, tout ce qui est émis par les cellulaires, les fours micro-ondes, les routeurs ou nos équipements électroménagers, fait partie des ondes non ionisantes.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) souligne pour sa part qu’au cours des 30 dernières années, « environ 25 000 articles scientifiques ont été publiés sur les effets biologiques et les applications médicales des rayonnements non ionisants ». L’analyse ne permet pas de conclure qu’une exposition à des champs électromagnétiques de faible intensité a un effet sur la santé.
La « démonstration » diffusée sur You Tube par Pioneers of Science, avec des graines de cresson, ne modifie donc en rien cette conclusion.