Le Détecteur de rumeurs est produit par l'Agence Science-Presse, en partenariat avec
les Fonds de recherche du Québec et le Bureau de coopération interuniversitaire
Le 2 février, un site web français publiait une « nouvelle » sur un tribunal américain qui aurait soi-disant confirmé un lien entre vaccination et autisme. Le 16 février, une vérification de l’Agence France-Presse démontrait que cette nouvelle était fausse. Comment un lecteur qui ne connaît rien à cette controverse pourrait-il trancher entre ces deux textes ? Il faut regarder la source de ces informations, explique le Détecteur de rumeurs.
Les sources
Santé Nutrition est un site français dont la mauvaise réputation remonte à des années. Sa feuille de route est impressionnante : « Conseils bidons, hoax écolos », résumait en 2015 le média français Rue 89. « Le site poubelle de la diététique », qualifiait le blogue La cure de désintox en 2017. Il était accusé de « plagiat » par la blogueuse en santé derrière Ça se saurait en 2015, et « spécialisé dans le pipo des aliments miracles », selon le site de déboulonnage viral Hoaxbuster.
Il est également classé dans le répertoire « Le Décodex » du journal Le Monde, qui analyse la fiabilité de sites français, avec la mention : « Ce site diffuse un nombre significatif de fausses informations et/ou d’articles trompeurs. Restez vigilant et croisez avec d’autres sources plus fiables. »
Des conseils de santé élémentaires (mangez plus de légumes) y côtoient des conseils carrément dangereux (du café par voie rectale) et quantité de textes faisant état de guérisons abracadabrantes ou de sombres complots, où les références sont tantôt vagues, tantôt inexistantes.
En comparaison, l’Agence France-Presse, qui a publié la vérification mentionnée plus haut, est une agence de presse, c’est-à-dire un média dont la mission, depuis 1944, est d’alimenter d’autres médias avec des reportages, des photos ou des infographies sur l’actualité nationale et internationale. Sa réputation repose sur sa crédibilité : un média qui n’aurait pas confiance en l’Agence France-Presse pourrait plutôt s’abonner à ses concurrents que sont Reuters ou l’Associated Press.
Comme tout média, il n’est pas à l’abri des erreurs, mais pour alimenter d’autres médias de partout (presse écrite, radio, télévision, Internet), en six langues et aux lignes éditoriales disparates, cette agence ne peut pas s’appuyer sur des titres ronflants ou des opinions douteuses. Il lui faut des affirmations qui résisteront à l’épreuve des faits.
Santé Nutrition, lui, s’adresse directement au public et peut se permettre, pour attirer celui-ci, de ne s’appuyer que sur des titres ronflants ou des opinions douteuses, sur des affirmations non vérifiées ou sur des nouvelles repiquées de sites américains de santé alternative : le nombre de gens qui le partagent sur les réseaux sociaux (un million d’abonnés sur Facebook) démontre en effet — malheureusement — que la recette continue de fonctionner.
La nouvelle sur le tribunal et l’autisme
Coup de chapeau à nos collègues de l’Agence France-Presse qui ont donc publié cette vérification démontrant que « Non, des tribunaux américains n'ont pas "confirmé" que le vaccin contre la rougeole cause l’autisme ».
Non seulement le tribunal en question n’a pas établi un tel lien, aucune étude n’a non plus établi un tel lien, mais ce n’est pas tout : cette soi-disant nouvelle sur ce jugement a été publiée par Santé Nutrition… en 2015. Et il s’agissait d’une reprise d’informations publiées sur des sites américains en 2013. Depuis, elle est rediffusée sur sa page Facebook au moins une fois par an, sans préciser qu’il s’agit de vieux matériel, générant chaque fois des milliers de partages supplémentaires. La publication du 2 février avait ainsi généré, un mois plus tard, 6 000 partages et 80 commentaires, pour la plupart des gens apparemment indignés d’apprendre cette « nouvelle ».
Le truc du Détecteur de rumeurs : vérifiez la source |
---|
Plusieurs personnes qui n’ont pas étudié en science croient souvent, à tort, qu’elles sont incompétentes pour distinguer le vrai du faux lorsqu’une nouvelle touche à la science. Or, tout le monde peut, au minimum, faire un premier tri dans les informations qui nous arrivent par les réseaux sociaux : en vérifiant tout simplement la source de la nouvelle. |
Concrètement, cela veut dire, une fois qu’on est sur le site de cette nouvelle :
|
À lire pour compléter
- « Les sites mensongers sont peu lus mais ont un succès considérable sur Facebook » (Les Décodeurs, 12 février 2018)
- Les anti-vaccins ont mis des années à développer d’efficaces stratégies de désinformation sur les réseaux sociaux (NBC News, 26 février 2019).
- PolitiFact a aussi déboulonné cette nouvelle en février
- La plus ancienne réfutation de cette « nouvelle » que nous ayons pu trouver a été publiée par le magazine Forbes dès 2013.