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Le sexe de la dépression

La dépression a deux visages : un masculin et un féminin. Du point de vue moléculaire, en effet, on est en présence de deux maladies différentes qui portent le même nom, suggèrent les travaux de Benoit Labonté, professeur au Département de psychiatrie et de neurosciences de la Faculté de médecine de l’Université Laval, chercheur au Centre de recherche CERVO et responsable de la Chaire de recherche Pfizer – Institut universitaire en santé mentale de Québec. Pas étonnant que l’efficacité des antidépresseurs actuels ne soit pas la même chez les hommes que chez les femmes!

Seulement 5 à 10 % des gènes des cellules nerveuses affectés par la dépression sont communs aux hommes et aux femmes!

L’équipe du professeur Labonté a comparé les bases biologiques de la dépression entre les deux sexes. Les chercheurs ont étudié des modèles de souris reproduisant certains aspects des troubles de l’humeur chez l’humain, et analysé des échantillons d’individus provenant de la banque de cerveaux de l’Institut universitaire en santé mentale Douglas de Montréal. Ils ont ainsi identifié des gènes spécifiquement activés ou réprimés chez des sujets déprimés animaux et humains, dont une partie sont partagés par les deux espèces. Les scientifiques ont ensuite scruté ces gènes et les neurones chez 13 hommes et 13 femmes dépressifs au moment de leur décès, pour les comparer à ceux de 22 cerveaux post-mortem sains. Les résultats ont surpris Benoit Labonté : parmi tous les gènes des cellules nerveuses affectés par la dépression chez l’être humain, seulement 5 à 10 % sont communs aux hommes et aux femmes! Étonnamment, ces différences sexuelles se retrouvent également dans le cerveau des souris stressées. La dépression fait donc son chemin de façon bien différente selon le sexe.

Tous les gènes identifiés dans le cadre du projet deviennent autant de cibles thérapeutiques possibles pour traiter la maladie de façon personnalisée. Par exemple, Benoit Labonté a observé que des ensembles de gènes régulant spécifiquement l’activité neuronale étaient affectés différemment chez les souris mâles et les souris femelles stressées. L’enjeu? Contrôler le comportement de ces gènes avec une médication basée sur le sexe afin de diminuer la susceptibilité au stress et de barrer l’une des routes de la dépression avec, en prime, moins d’effets secondaires et plus d’efficacité.