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Détecteur de rumeurs

Le nombre de morts n’augmente pas, donc il ne faut pas s’inquiéter ? Faux

Les articles du Détecteur de rumeurs sont rédigés par des journalistes
scientifiques de l'Agence Science-Presse. Les Fonds de recherche du Québec et
le Bureau de coopération interuniversitaire sont partenaires du Détecteur de rumeurs.

Auteur : Agence Science Presse - Catherine Crépeau

Le nombre de cas de COVID-19 au Québec ne cesse d’augmenter depuis la fin août, au point où le directeur de la santé publique a déclaré, le 21 septembre, que nous étions entrés dans la 2e vague. Pourtant, les courbes des décès et des hospitalisations, elles, n’augmentent pas. Est-ce une question de temps, s’est demandé le Détecteur de rumeurs.

1. Un délai entre la hausse des cas et la hausse des hospitalisations

Il est tout d’abord inévitable qu’il y ait un délai. On parle par exemple d’un délai moyen de 15 jours avant que les cas les plus graves ne nécessitent une hospitalisation. Et il faut se rappeler que seule une minorité de cas conduit à des hospitalisations et seule une minorité de ces dernières conduit à des décès. En juin, lorsque des États de l’ouest des États-Unis, épargnés jusque-là par la pandémie, ont vu leurs cas augmenter, les experts avaient tout de suite prédit, sur la base de l’expérience acquise ailleurs, un décalage de moins d’un mois entre l’accélération de la contamination et la montée de la courbe des décès. En France, on évoquait plus récemment un décalage de 2 à 3 semaines.

2. Le facteur inconnu cet automne : les jeunes adultes

Il n’est pas encore établi que ce décalage observé lors de la première vague soit un bon prédicteur de ce qui se produira avec la vague actuelle. Contrairement au printemps, les jeunes sont davantage contaminés. Comme ceux-ci ont moins souvent besoin d’être hospitalisés et que leur taux de décès est très bas, cela devrait ralentir la montée des hospitalisations.

Mais le virus trouvera inévitablement son chemin vers les plus âgés, ce qui entraînera une hausse des hospitalisations et des décès. Ainsi, une étude du Centre américain de contrôle des maladies (CDC) parue le 23 septembre, montre qu’aux États-Unis, entre juin et août, les 20-29 ans représentaient désormais plus de 20 % des cas. Or, lit-on dans l’étude, cette augmentation des cas dans cette tranche d’âge était ensuite sui-vie par une augmentation chez les 60 ans et plus. Dans l’ensemble des États du sud touchés au début de l’été, c’est en moyenne 9 jours après une augmentation des cas chez les vingtenaires et les trentenaires que les cas augmentaient chez les 60 ans et plus.

On note aussi qu’en Alabama, en Floride et en Georgie, l’augmentation chez les 20-39 ans a été d’abord suivie par une augmentation chez les 40-59 ans quelques jours plus tard, avant de finalement se refléter chez les 60 ans et plus deux semaines plus tard — soit, dans le cas de ces trois États, un délai total d’environ trois semaines.

Au Québec en septembre, les 20-29 ans représentent un peu plus de 40 % des cas détectés.

3. On teste plus et on en sait plus

Deux autres facteurs obligent à nuancer les prévisions. D’une part, on teste beaucoup plus (presque 3 fois plus au Québec) que lors de la première vague, et l’augmentation du nombre de cas peut être en partie liée à cela. Dans la semaine du 14 septembre, on a effectué en moyenne 25 000 tests par jour, alors qu’à la mi-avril, on parlait d’environ 8000 tests par jour. Comme on testait en priorité les gens avec des symptômes, donc des gens qui avaient sans doute contracté le virus depuis plusieurs jours, il y avait moins de délais entre les cas détectés et les hospitalisations. En outre, comme nous détectons maintenant les cas plus tôt, cela permet de placer ces personnes en isolement plus tôt et ainsi, limiter la propagation de la maladie. La plus lente progression des cas aide ensuite les hôpitaux à observer les malades et à mieux les traiter.

D’autre part, depuis la première vague, les connaissances médicales ont évolué, sauvant plus de vies : ventilation moins invasive (masque à oxygène plutôt qu’intubation), usage de corticoïdes (comme le dexaméthasone) pour réduire les inflammations pulmonaires, usage généralisé d’anticoagulants pour éviter les caillots, ou médicaments comme le remdésivir.

4. La deuxième vague frappe déjà ailleurs

En Europe, la deuxième vague est déjà bien entamée. Elle est survenue plus rapidement que prévu, mais là aussi, on s’est interrogé sur le long délai entre la hausse du nombre de cas et celle des hospitalisations et des décès.

En France, c’est depuis le début du mois d’août qu’on observe une augmentation du nombre de cas. L’idée qu’on soit entré dans la 2e vague est évoquée depuis la mi-août. Selon les données de Santé Publique France, on notait une très légère augmentation des admissions en réanimation à partir de la fin du mois d’août. Mais c’est seulement dans son bulletin du 24 septembre que l’agence s’est mise à parler d’une augmentation « exponentielle ».

En Espagne, la 2e vague attendue a aussi frappé plus vite qu’on le prévoyait. Les cas sont en augmentation depuis le début juillet ; les décès, eux, ont pris un mois avant de recommencer à augmenter. Mais le coronavirus semble frapper plus fort l’Espagne. Alors qu’on y recensait, à la troisième semaine de septembre, plus de 10 000 cas par jours, certains hôpitaux à Madrid étaient presque à pleine capacité, et on prévoyait déjà rouvrir les hôpitaux de campagne.

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