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La santé cardiovasculaire a un genre

Être de genre féminin prédispose à une récidive d’infarctus. C’est la conclusion étonnante d’une étude pancanadienne dirigée par Louise Pilote, chercheuse clinicienne à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill. Alors que la médecine réalise que les différences biologiques – liées au sexe – entre les hommes et les femmes doivent être prises en compte pour évaluer les symptômes et les facteurs de risque de nombreuses maladies, ou encore, pour adapter les médicaments, Louise Pilote propose d’ajouter le genre – lié à l’identité, au rôle et au statut dans la société – comme déterminant de la santé.

Selon les études épidémiologiques, qui s’intéressent à la santé des populations, le risque de subir un infarctus est plus élevé chez les hommes que chez les femmes. Pourtant, en suivant 1500 Canadiens âgés de 18 à 55 ans ayant subi un infarctus, Louise Pilote et ses collègues ont remarqué que le risque de récidive était plus élevé chez les jeunes femmes. « J’ai alors pensé qu’on identifierait un gène inconnu de prédisposition à un deuxième infarctus, révèle la professeure de médecine à l’Université McGill. Mais nous avons plutôt trouvé un lien avec un profil de caractéristiques traditionnellement attribuées aux femmes. » Ainsi, un homme ou une femme qui gèrent majoritairement les tâches ménagères et le soin des enfants, qui adaptent leur carrière à la famille ou qui possèdent des traits de personnalité typiquement féminins ont  plus de risques de refaire un infarctus dans l’année suivant le premier. Pourquoi?  Louise Pilote pointe du doigt le niveau d’anxiété plus élevé, lié à la conciliation travail-famille et à un revenu plus faible, qui rend leur convalescence plus difficile que pour des adultes de genre masculin.

Faire carrière au féminin

Dans un tout autre registre, la scientifique croit que c’est le genre féminin, et non la société, qui empêche plusieurs femmes d'accepter des postes de haute direction ou de grimper les échelons universitaires de la recherche. Elles ont peur que le travail envahisse leur vie personnelle et familiale. À preuve : sur 15 chefs de division au Département de médecine du Centre universitaire de santé McGill, seulement 5 sont des femmes! Louise Pilote, qui a été l’une d’elles pendant 10 ans, témoigne de la sous-représentation des femmes dans la majorité des universités. « On me demande souvent si je suis une superwoman, car j’ai cinq enfants et une carrière bien remplie, raconte-t-elle en riant. Mais ce n’est pas le cas! » Sa vision : simplifier l’organisation de sa vie pour mettre ses 10 années d’études universitaires au profit de la société! Ainsi, les activités de ses rejetons se déroulent près de la maison et elle accepte de l’aide extérieure pour différentes tâches. « Mes enfants et mon conjoint ne m’aiment pas moins pour autant! », précise cette femme persuadée que la gente féminine manque de modèles professionnels. Heureusement, les femmes adoptent de plus en plus le genre masculin dans leur vie (revenu principal de la maisonnée, salaire élevé, partage des tâches ménagères), alors que les hommes intègrent davantage de rôles traditionnellement féminins. Louise Pilote aura cette révolution des genres à l’œil, puisque le genre peut influencer la santé.


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