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Rapports de recherche

La mobilisation des connaissances issues de la recherche dans l’élaboration des politiques publiques visant les Premières Nations et Inuit

On recense aujourd’hui près de 16 000 publications expressément consacrées aux populations des Premières Nations et Inuit (PNI) du Québec et le rythme de ces publications s’accélère.

Or, la manière dont ces connaissances sont mobilisées aux fins de l’élaboration des politiques publiques qui visent les PNI n’apparait pas toujours claire et des acteurs des milieux se questionnent sur la façon d’optimiser le processus de mobilisation. Aussi, il semble pertinent, afin d’améliorer l’élaboration de politiques publiques visant les PNI, d’amorcer une réflexion critique sur la mobilisation de ces connaissances par les décideurs publics dans ce contexte précis, sur les enjeux, facteurs de succès et pratiques prometteuses y étant liés.

Les résultats de la recension des écrits effectuée pour ce faire mettent en évidence que (a) les connaissances issues de la recherche circulent à sens unique : elles se transportent des producteurs de connaissances vers les décideurs publics, puis vers les destinataires des politiques (PNI), très peu inclus dans le processus; (b) une distance philosophique, éthique et culturelle importante sépare les destinataires des politiques (PNI) et les autres acteurs, générant la marginalisation des PNI, une plus grande complexité du processus et la difficulté à inclure et à valoriser les perspectives des PNI à toutes les étapes; (c) la production des connaissances utilisées est quasi unique aux acteurs des milieux de la recherche universitaire et la coproduction des connaissances avec les milieux des PNI est encore rare : les perspectives, connaissances, processus et approches des milieux des PNI sont peu considérés, peu inclus et peu valorisés dans les milieux de la recherche.

Les producteurs sont parfois éloignés du terrain, ce qui entraîne un manque de contextualisation et une déconnexion des politiques basées sur les connaissances ainsi produites ; et (d) les liens entre les producteurs et les utilisateurs des connaissances sont faibles : des connaissances hétérogènes en grande quantité sont produites, mais les stratégies de partage auprès des décideurs politiques, qui ont une certaine difficulté à les transférer (et à se les approprier) ne sont pas optimales. Les données n’arrivent pas prêtes à être utilisées (désordonnées, agrégées, non ventilées selon des spécificités des destinataires, peu contextualisées ou peu accessibles).

Considérant ces éléments, trois pistes générales de solution pour une transformation du processus émergent : (1) reconnaître le droit à l’autodétermination; (2) décoloniser les approches, les structures institutionnelles, le processus de mobilisation et les contenus des politiques publiques; et (3) prendre en compte les éléments du contexte entourant le processus de mobilisation. Suivies, ces pistes permettraient en outre de faciliter la mise en œuvre des recommandations de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec (2020) ou encore celles de la Commission de Vérité et Réconciliation (2015), qui ont tour à tour enjoint le gouvernement du Québec à revoir la manière dont il recueille, produit ou utilise des données sur les populations des PNI.

 

Chercheuse principale
Émilie Deschênes, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue

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