Le Détecteur de rumeurs est produit par l'Agence Science-Presse, en partenariat avec
les Fonds de recherche du Québec et le Bureau de coopération interuniversitaire
Manque d’énergie, trouble du sommeil, augmentation de l’appétit… Dans les pays nordiques comme le nôtre, environ 20 % de la population présente des symptômes de déprime saisonnière, aussi surnommée blues hivernal. Toutefois, pour 2 à 3 % de la population canadienne, cette déprime se présente sous une forme plus accentuée : la dépression saisonnière ou trouble affectif saisonnier. Une lampe de luminothérapie peut-elle aider autant les déprimés que les dépressifs saisonniers à retrouver le moral et l'énergie ? Le Détecteur de rumeurs fait la lumière sur la question.
Déprime ou dépression saisonnière
La déprime saisonnière – souvent appelée blues de l’hiver – est donc une forme atténuée de la dépression saisonnière. « Dans les deux cas, ceux qui en souffrent ont une humeur dépressive, manquent d’énergie, dorment davantage et ont plus d’appétit », explique Marie-Pier Lavoie, psychologue au centre de santé ThéraVie. Toutefois, par l’intensité de ses symptômes, la dépression saisonnière se rapproche davantage de la dépression majeure. Elle est répertoriée dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux sous le terme trouble affectif saisonnier (TAS), à cause de son caractère cyclique. « Contrairement à la dépression majeure, le TAS apparaît lorsque les journées raccourcissent et disparaît au printemps. Pour un diagnostic, il faut aussi que la personne soit atteinte de ce trouble pendant au moins deux années », précise celle dont la thèse doctorale portait sur les effets de la luminothérapie sur la rétine.
Le manque de lumière en cause
C’est le psychiatre américain Norman Rosenthal qui a fait un lien entre le manque de luminosité et le TAS dans une étude publiée en 1984 sur la luminothérapie. « Même si la découverte date, on ne sait toujours pas précisément comment la lumière affecte notre humeur », indique Marie Dumont, professeure au département de psychiatrie à l’Université de Montréal. « Des études en imagerie cérébrale ont montré que les régions du cerveau impliquées dans nos capacités de concentration et d’attention, ainsi que dans la régulation de l’humeur, sont sensibles à la lumière. Une exposition à une source de lumière intense a donc la capacité d’influencer directement notre humeur et notre vigilance », explique Mme Dumont qui est aussi chercheuse au CIUSSS du Nord de l’île de Montréal.
On sait également que la luminosité a un impact sur notre horloge biologique et la production de certaines hormones. « L’horloge circadienne, qui régule notre cycle sommeil-veille, est influencée par des signaux environnementaux comme la lumière et l’obscurité. Ces signaux influencent aussi la production de mélatonine – qui est l’hormone du sommeil – et de la sérotonine, qui joue un rôle important dans la régulation de l’humeur », élabore Mme Lavoie.
L’exposition quotidienne à une lumière intense stabiliserait donc le rythme circadien chez ceux qui souffrent de déprime saisonnière ou d’un TAS, en plus d’inhiber leur production de mélatonine et de stimuler leur production de sérotonine. « Généralement, elles ressentent des bienfaits après seulement quelques jours de luminothérapie, maximum une ou deux semaines. »
La luminothérapie : un traitement de première ligne
Pour que la luminothérapie soit efficace, il faut s’exposer à une lampe de 10 000 lux quotidiennement, pendant au moins 30 minutes, idéalement dès le réveil. « On doit positionner la lampe à environ 40 ou 50 centimètres de soi et garder les yeux ouverts, puisque c’est l’effet de la lumière sur la rétine qui fonctionne », souligne madame Lavoie. Il n’est pas recommandé de regarder directement la lampe, on peut par exemple la mettre sur la table pendant qu’on déjeune.
Chez les personnes atteintes de TAS, la luminothérapie est considérée comme un traitement de première ligne, au même titre que les antidépresseurs. Selon les résultats de deux méta-analyses rapportées dans la publication médicale UpToDate, la luminothérapie serait efficace chez 60 % des patients. « C’est un excellent traitement, avec un taux de succès similaire aux antidépresseurs. Il a aussi pour avantage de fonctionner rapidement », explique Mme Lavoie. Les effets secondaires, qui incluent des maux de tête, des nausées et de l’irritabilité, seraient aussi de courte durée. Chez certains patients atteints de TAS, il faudra combiner le traitement de luminothérapie avec des antidépresseurs et des consultations psychologiques.
Verdict
Si chaque année, vous manquez d’énergie et êtes déprimés presque tous les jours entre l’automne et le printemps, vous souffrez peut-être de déprime saisonnière ou d’un TAS. Dans les deux cas, l’utilisation quotidienne d’une lampe de luminothérapie de 10 000 lux, pendant 30 minutes, pourrait s’avérer un traitement efficace.
– Ève Beaudin
En savoir plus
Ce ne sont pas toutes les lampes qui conviennent au traitement de luminothérapie. La norme cliniquement reconnue est :
- une exposition à une source lumineuse de 10 000 lux (unité de mesure de l’intensité lumineuse)
- pendant 30 minutes par jour
- idéalement le matin
- à une distance de 40 à 50 centimètres
Si vous utilisez une lampe de moins de 10 000 lux, il faudra revoir la durée de l’exposition en conséquence. Par exemple, pour une lampe de 5 000 lux, on devra s’exposer durant 60 minutes.
Sortir à la lumière du jour peut aussi aider à soulager les symptômes du TAS. À titre d’exemple, l’intensité d’une journée nuageuse est de 2 000 lux, et celle d’une journée ensoleillée est de 100 000 lux.