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La littérature observée sous l’angle du genre

Lorsque l’Américain Robert Schwartzwald séjourne à Québec et à Montréal en 1973, il découvre une société en pleine effervescence. La Révolution tranquille bat son plein. En faisant son entrée dans la modernité, le Québec se questionne sur son identité, sa langue et son orientation politique.

Pour ce passionné de littérature, il s’agit là d’un riche terreau qui l’amènera plus tard à rédiger une thèse de doctorat en littérature québécoise, puis à enseigner cette matière aux États-Unis. Il deviendra rédacteur en chef de la revue scientifique américaine Québec Studies, en plus de recevoir le Prix international du Gouverneur général en études canadiennes.

Pendant ses études universitaires au Canada et au Québec, il constate que la lecture critique des différentes œuvres évitait systématiquement les relations de genre. « On reprochait aux gens qui s’y intéressaient de privilégier leur intérêt particulier au détriment de l’universalité des œuvres », rappelle le chercheur. Aux États-Unis, où il enseignera pendant 22 ans avant de revenir au Québec, les études de sexe et de genre sont en plein essor.

Robert Schwartzwald croit que les étudiants en littérature doivent découvrir des œuvres produites par l’ensemble de l’humanité, pas seulement par une partie. Il ajoute que la littérature tient un discours ambigu. S’y expriment des désirs et des identités souvent flous. Les études littéraires dépendent de ces zones d’ombre et de ces tensions.

La question du genre, en ce sens, est un incontournable. Les études de genre ont beaucoup contribué à introduire cette complexité, cette fluidité identitaire dans un monde marqué par des oppositions binaires. Quitte à créer des inconforts. « Les plus grands ouvrages littéraires sont justement ceux qui ébranlent nos certitudes », pense Robert Schwartzwald.

L’homosexualité comme métaphore de l’identité

C’est après avoir vu et lu les premières pièces de Michel Tremblay que Robert Schwartzwald commence à s’intéresser aux questions de genre et de sexualité, et à dresser des parallèles avec la nation québécoise et ses questionnements. « L’homosexualité, dans ces pièces, devient une métaphore de l’authenticité, explique le chercheur. Pour Michel Tremblay, s’assumer comme homosexuel est une question d’authenticité, de la même manière que le Québec doit s’assumer en tant que nation. D’autres voient au contraire l’homosexualité et le travestisme comme des formes d’inauthenticité, des imitations. »

L’évolution des mises en scène de la pièce Hosanna, de Tremblay, montre une évolution quant à ces perceptions. Dans la mise en scène réalisée par André Brassard en 1973, la réflexion se fait autour de la notion d’authenticité ou d’inauthenticité de l’homosexualité et du travestisme. Celle de Lorraine Pintal, en 1991, pose plutôt la question du genre. Qu’est-ce qu’être un homme ? Une femme ? Une approche très représentative des débats qui ont cours au début des années 1990.

Robert Schwartzwald est notamment l’auteur de deux essais marquant pour les études homosexuelles au Québec : Fear of Federasty: Quebec’s Inverted Fictions, en 1991, et (Homo)sexualité et problématique identitaire, la même année. Il rappelle à quel point il faut chérir la liberté de pensée, qui lui a permis de mener ses recherches à l’Université de Montréal et à l’Université du Massachusetts. Dans certains États américains, des groupes conservateurs font la vie dure aux théoriciens du genre, les accusant de laver les cerveaux des étudiants et d’avoir des intentions cachées. Il reste du chemin à parcourir.


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