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Fous de Bassan absents, poussin fragile

De moins en moins de jeunes fous de Bassan prennent leur envol chaque année. Depuis 2009, le succès de reproduction de ces oiseaux marins en Gaspésie varie entre 40 et 20 %. Un triste record a été enregistré en 2012, alors que seulement quatre oisillons sur 100 se sont envolés du nid. Les écologistes s’inquiètent, car il faut un taux de reproduction supérieur à 67 % pour éviter le déclin dans le temps. Pour le moment, la population du parc national de l’île-Bonaventure-et-du-Rocher-Percé se maintient autour de 54 000 couples, mais pour combien de temps?

En 2012, seulement quatre oisillons sur 100 se sont envolés du nid.

Si peu de poussins quittent le nid, c’est peut-être en raison d’un problème d’alimentation, pense David Pelletier, professeur de biologie au Cégep de Rimouski. En collaboration avec Magella Guillemette de l’UQAR et une équipe d’étudiants des deux institutions, le chercheur a notamment analysé le contenu des régurgitations des oiseaux. « Nous avons remarqué que le fou de Bassan consomme beaucoup moins de maquereaux qu’avant », signale le professeur Pelletier. Pourtant, ils sont friands de ce poisson du golfe du Saint-Laurent. Pourquoi le délaisser pour une espèce moins nutritive, comme le lançon? En scrutant les données de Pêches et Océans, le chercheur a découvert qu’il y a 14 fois moins de maquereaux dans le golfe du Saint-Laurent aujourd’hui que dans les années 1970. « La pression de la pêche est en cause, mais aussi la migration du maquereau vers le nord pour fuir les eaux réchauffées par les changements climatiques », avance-t-il.

Suivre les fous de Bassan à l’aide de 387 GPS attachés aux plumes de leur queue de 2012 et 2017 a permis à David Pelletier de constater que les oiseaux volent jusqu’à la côte est de Terre-Neuve pour se nourrir. Du jamais-vu! « Habituellement, ces oiseaux se nourrissent dans un rayon de 200 kilomètres autour de l’île Bonaventure, précise-t-il. En ajoutant plus de 100 kilomètres à leurs déplacements pour s’alimenter, ils dépensent beaucoup d’énergie et passent moins de temps au nid, ce qui nuit au nourrissage des poussins. ».

David Pelletier recherche actuellement des marqueurs comportementaux, physiologiques et hématologiques permettant d’expliquer pourquoi certains fous de Bassan s’en sortent mieux que d’autres, malgré ces changements sur le plan de l’alimentation. Il espère ainsi faire du fou de Bassan une sentinelle des bouleversements observés dans le golfe du Saint-Laurent.