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Dire non n’est pas toujours simple

La facilité d’exprimer son désaccord ou sa dissidence en une phrase varie selon la manière dont cette phrase est structurée. De plus, cette capacité de rejeter des propos n’est pas la même dans toutes les langues.

Voilà ce que montre les recherches d’Elizabeth Allyn Smith, chercheuse au département de linguistique de l’Université du Québec à Montréal. En 2015, elle a mené une expérience auprès de plusieurs groupes de 60 participants répartis selon leur langue. On y trouvait des individus qui s’exprimaient en français du Québec, en anglais, en espagnol d’Espagne ou d’Uruguay et en catalan.

Cette capacité de rejeter des propos n’est pas la même dans toutes les langues.

Les participants écoutaient de courts échanges au cours desquels une personne prononçait une phrase à laquelle l’autre interlocuteur répondait par la négative. Tous devaient ensuite évaluer si la réponse leur semblait naturelle. Cela illustrait certaines différences entre les langues. Par exemple, les francophones trouvaient étrange d’entendre quelqu’un répondre non à un interlocuteur qui manifestait un goût personnel comme « Je trouve la soupe délicieuse ». Mais les hispanophones trouvaient cela tout à fait normal.

Dans une recherche subséquente, Elizabeth Allyn Smith a montré que, selon la langue parlée, la manière de formuler certaines questions peut modifier les réponses par la négative d’une personne. Par exemple, à la question « Vers quelle heure êtes-vous arrivés au cinéma ? », les francophones et les anglophones auront tendance à répondre en donnant une heure, plutôt que de dire « Je ne suis pas allée au cinéma, mais au gym » parce qu’il est plus difficile pour eux de corriger un présupposé (ici la présence au cinéma) qui n’est pas directement l’objet de la question (ici l’heure).

Ainsi, les travaux de la chercheuse peuvent trouver des applications dans d’autres domaines, comme le droit où, lors d’un interrogatoire, la formulation d’une question risque de changer la réponse d’un témoin ou d’un suspect.