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Démystifier la douleur, un gène à la fois

Un rien vous fait mal? Avis à tous ceux qui vous traitent de petite nature. « Environ la moitié de notre sensibilité à la douleur est déterminée par notre constitution génétique », signale Luda Diatchenko, chercheuse au Centre Alan Edwards de recherche sur la douleur de l’Université McGill et directrice de la plateforme génétique et génomique du Réseau québécois de recherche sur la douleur. Les travaux de cette généticienne ont permis de contredire la croyance populaire voulant qu’il n’y ait aucun lien entre la douleur et nos gènes. Même si la science ne peut pas encore tout expliquer, les sources génétiques du mal se révèlent, une à la fois.

Un gène d’hypersensibilité

« La douleur est un phénomène mystérieux, sous-étudié et sous-estimé, même si 20 % de la population canadienne souffre de douleurs chroniques. C’est ce qui m’a attirée vers ce domaine », révèle Luda Diatchenko. Avant de découvrir cette passion, la chercheuse a d’abord fait sa médecine, profession qu’elle n’a jamais pratiquée, puisqu’elle s’est spécialisée ensuite en biochimie et en biologie moléculaire dans sa ville natale, Moscou. Puis, curieuse et avide de connaître d’autres cultures, la scientifique russe s’envole vers la Californie afin de travailler dans une entreprise de biotechnologies. Tout en participant à la conception d’outils pour analyser les gènes, elle apprend l’anglais « sur le tas ». Sept ans plus tard, elle intègre un groupe de recherche sur la douleur à l’Université de la Caroline du Nord. Soucieuse de convertir certaines découvertes en applications cliniques, elle co-fonde deux entreprises, soit Attagene et Algynomics. Elle dépose plusieurs demandes de brevets en lien avec la douleur et met au point un test de dépistage génétique pour le gène COMT. Les porteurs de certaines variantes de ce gène sont hypersensibles à la douleur et plus susceptibles de souffrir de douleurs chroniques. Mais ils répondent aussi mieux à l’effet analgésique du propanolol, un médicament habituellement utilisé en cardiologie et identifié par Luda Diatchenko comme un traitement possible de la douleur.

Quand on veut, on peut

L’expertise unique de la généticienne traverse alors les frontières. Elle devient la première femme à diriger une chaire d’excellence en recherche du Canada, soit celle sur les mécanismes génétiques de la douleur chez l’humain, à l’Université McGill. Dans ce nouveau pays et cette autre langue, Luda Diatchenko réalise que l’être humain a des habiletés infinies. « On peut s’adapter à différentes situations, en trouvant les solutions qui s’imposent. Il suffit de se lancer et de faire ce qu’on choisit. » La chercheuse, mère d’un garçon, souhaite notamment livrer ce message aux femmes qui hésitent à évoluer en recherche universitaire. S’il y a plus de femmes en sciences aujourd’hui qu’au début de sa carrière, la professeure Diatchenko voit encore plusieurs étudiantes arrêter leur formation diplômante pour avoir des enfants. « Ce n’est pas la famille qui les pousse à abandonner la recherche universitaire, mais plutôt la peur de ne pouvoir réussir à mener les deux de front avec succès », croit la scientifique.


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