Le VIH est comme un cheval de Troie : ce virus parvient à s’intégrer dans le génome de certaines cellules immunitaires, appelées lymphocytes T CD4+. Il les empêche alors de déclencher la réponse immunitaire et de produire les bons anticorps pour aider le corps humain à combattre l’envahisseur. Plus encore, le VIH les utilise pour se multiplier et se sert de quelques-unes d’entre elles pour se cacher, bien à l’abri des trithérapies antirétrovirales.
Pourquoi ces cellules censées nous défendre laissent-elles le VIH prendre le contrôle? Petronela Ancuta, chercheuse au Centre de recherche du CHUM et professeure à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, et ses collaborateurs1 ont réussi à démystifier une tactique qui permet au VIH d’assurer sa survie.
Dans son plan d’attaque, le virus prend d’abord d’assaut les lymphocytes Th17, des cellules immunitaires responsables de la défense et de la protection de l’intégrité de nos muqueuses. Face au VIH, ces membres de la famille des lymphocytes T CD4+ le laissent volontiers se répliquer et elles participent de ce fait à sa persistance dans l’organisme. Plus précisément, les chercheurs ont trouvé que la molécule RORC2, qui régule les fonctions de ce type de cellules, se lie à une région du génome viral, ce qui permet au VIH de se multiplier.
En laboratoire, sur des lymphocytes T CD4+ infectés par le VIH, Petronela Ancuta et son équipe ont réussi à neutraliser l’action de la molécule RORC2 à l’aide d’un composé pharmacologique existant. Résultat : le virus n’a pas pu se répliquer dans les cellules isolées des personnes infectées et traitées par trithérapie.
Cette preuve de concept ouvre la porte à une possible éradication complète du VIH dans l’organisme, en montrant qu’on peut le mettre K.O. même dans ses cachettes, ce que les trithérapies n’arrivent pas à faire. Si la victoire finale contre le VIH reste encore une utopie, Petronela Ancuta pense qu’en contrôlant la molécule RORC2, on pourra au moins éliminer l’état d’inflammation chronique causé par la multiplication secrète de VIH. Cette inflammation est à l’origine d’un haut taux de maladies cardiovasculaires et neurocognitives chez les personnes traitées par trithérapie.
La chercheuse et ses collaborateurs poursuivent actuellement leurs analyses sur des modèles animaux et espèrent passer aux essais cliniques dans un proche avenir.
1 Ariberto Fassati du University College de Londres, Éric Cohen de l’Institut de recherches cliniques de Montréal, Elie Haddad du CHU Ste-Justine et Jean-Pierre Routy du Centre universitaire de santé McGill