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Déjouer les contaminants environnementaux

Quand elle débarque dans les communautés autochtones pour effectuer ses travaux de recherche, Mélanie Lemire n’amène pas la chercheuse en elle, mais la fille du Bas-Saint-Laurent. « Le contact avec les populations locales est plus naturel, car les gens voient que je connais bien la réalité des contrées éloignées », témoigne celle qui habite la région du Kamouraska et travaille comme professeure au Département de médecine sociale et préventive de l’Université Laval. Mélanie Lemire se penche avec des partenaires autochtones sur les avantages et les risques reliés à la consommation d’aliments locaux. « Je ne fais pas de la recherche sur les communautés, mais avec les communautés », précise-t-elle. Elle est d’ailleurs reconnue pour son approche écosystémique de la santé, qui consiste à travailler avec différents collaborateurs, universitaires ou non, et à partager les résultats de recherche sous forme d’outils d’aide à la décision.

De l’Amazonie au Grand Nord

Pendant ses études en sciences de l’environnement et santé environnementale à l’UQAM, Mélanie Lemire se rend en Amazonie brésilienne pour analyser l’exposition au mercure des populations riveraines et connaître les bénéfices de l’alimentation locale. Elle est parmi les premières à montrer alors qu’un apport élevé en sélénium, provenant d’aliments locaux tels que les noix de Brésil, contribue à contrecarrer les effets néfastes du mercure sur la santé humaine. Mme Lemire poursuivra cette étude au Nunavik, lors de son postdoctorat financé par la prestigieuse bourse Banting, en plus de s’intéresser au plomb des munitions de chasse qui contamine la viande. Dans le but de diminuer l’exposition aux contaminants environnementaux, elle promeut notamment les munitions sans plomb auprès des responsables de la santé publique et des chasseurs, ainsi que la consommation de petits poissons, puisque les gros prédateurs en haut de la chaîne alimentaire sont la principale source de contamination au mercure. « Les aliments traditionnels autochtones sont de qualité exceptionnelle, bien meilleurs que les denrées ultratransformées du commerce », rappelle Mélanie Lemire.

Au fil de ses échanges avec les communautés, la chercheuse observe leurs différentes façons d'aborder le genre et le sexe et constate l’importance d’échanger plusieurs types de savoirs. « Je suis souvent devenue la colle entre les savoirs universitaires et ceux des communautés », souligne Mme Lemire, qui dirige actuellement la Chaire de recherche Nasivvik en approches écosystémiques de la santé nordique et chercheuse membre de l'axe santé des populations et pratiques optimales en santé du Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval.

Le chemin ardu de la recherche

La jeune femme admet avoir travaillé dur pour atteindre les hautes sphères dans son domaine. « Les études sont longues et la carrière commence tard », concède la scientifique, qui a obtenu son premier poste universitaire à 36 ans. Plusieurs de ses collègues féminines ont délaissé la recherche; les autres peinent à concilier travail et famille. « Le milieu scientifique doit trouver le moyen d’aider les parents à mener de front famille et recherche, notamment en acceptant qu’ils soient moins productifs pendant quelque temps », croit Mélanie Lemire. Elle ajoute que chaque étudiant diplômé devrait avoir un mentor qui l’amène à se dépasser : « J’ai eu la chance d’avoir Donna Mergler comme directrice de maîtrise et de doctorat à l’UQAM et feu Éric Dewailly au postdoctorat à l’Université Laval, qui croyaient fermement à la place des femmes en recherche. » Aujourd’hui, la chercheuse s’inspire aussi des leaders autochtones exceptionnelles qu’elle rencontre pour guider ses propres étudiantes et étudiants.


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