Auteur : Agence Science Presse - Maxime Bilodeau
Les articles du Détecteur de rumeurs sont rédigés par des journalistes
scientifiques de l'Agence Science-Presse. Les Fonds de recherche du Québec et
le Bureau de coopération interuniversitaire sont partenaires du Détecteur de rumeurs.
Se mettre de la vaseline dans le nez pour tenter de déjouer les tests de dépistage de la COVID-19 avait été une des nombreuses frasques commises à la fin de décembre 2021 par les désormais célèbres influenceurs québécois du vol de Sunwing vers le Mexique. Or, sous diverses variations, la vaseline est mentionnée depuis les premiers mois de la pandémie, constate le Détecteur de rumeurs. L’idée repose-t-elle sur quelque chose ?
Les origines de la rumeur
L’idée a même été amalgamée à d’autres théories. Le controversé infectiologue Didier Raoult a par exemple laissé entendre en août 2021 qu’appliquer dans le nez de la vaseline, mais aussi de l’onguent Vicks VapoRub, éviterait d’être contaminé par le virus.
Rappelons que l’étiquette de ce dernier produit spécifie qu’il doit être appliqué sur la poitrine et la gorge seulement. La compagnie Vicks a elle-même senti le besoin de publier un avertissement.
Les origines des rumeurs concernant la vaseline sont nébuleuses, mais pourraient remonter très loin dans le temps. Comme le rappelle le professeur de chimie Joe Schwarcz, de l’Université McGill, la vaseline n’est rien de moins, à la base, que de la « gelée de pétrole ». Au milieu du 19e siècle, le chimiste américain Robert Chesebrough aurait découvert qu’une « cire » se formant sur les machines de pompage du pétrole pourrait aider à la cicatrisation. Il en créa et commercialisa une variété blanchâtre —la vaseline— à laquelle on se mit ensuite à attribuer toutes sortes de vertus plus ou moins sérieuses, dont celle de tenir les maladies à distance.
Tromper les tests de dépistage ?
Une de ces vertus a donc été avancée par les influenceurs québécois. En gros, la vaseline dans le nez aurait pour résultat qu’un test de dépistage de la COVID serait incapable de détecter le virus (on parle ici des tests PCR consistant à introduire un long coton-tige dans le nez). Dans les mots de l’un de ces influenceurs sur un réseau social, la vaseline serait « sans PH », « non soluble dans l’eau » et composée « d’hydrocarbures covalents ». Il n’a été expliqué nulle part pourquoi cette combinaison empêcherait de détecter le virus. Par contre, on note que cette pseudo-explication était un copié-collé d’un échange sur Reddit vieux de plus de huit ans —et l’auteur de l’époque n’avait jamais prétendu que cela donnait une quelconque vertu à la vaseline.
En haut: Une partie des échanges du 31 décembre entre les influenceurs, repartagés sur le compte Instagram OD Scoop
En bas: le message Reddit du 10 août 2013
Quoi qu’il en soit, l’efficacité de la vaseline face aux tests de dépistage de la COVID-19 reste à prouver: rien dans la littérature scientifique n’a été publié à ce sujet. Réfléchissant tout haut, le président de l’Association des microbiologistes du Québec, Christian Jacob, avait déclaré en janvier 2022 qu’en théorie, la vaseline (ou toute autre substance) pourrait faire en sorte que « l’échantillon » récolté dans le nez devienne « non homogène », ce qui nuirait à son analyse. Mais on est dans la pure hypothèse.
D’autres ont été moins prudents et ont qualifié cette pratique de « loufoque ». Plus encore, elle est dangereuse pour la santé puisque l’inhalation involontaire de matière huileuse peut entraîner de sérieux problèmes respiratoires. En plus du fait qu’il s’agit d’une recommandation frauduleuse qui peut mener à des amendes, si l’objectif est de fausser un test de dépistage PCR.