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Détecteur de rumeurs

COVID-19 : non, cette étude sur les coureurs n’est pas une étude

Les articles du Détecteur de rumeurs sont rédigés par des journalistes
scientifiques de l'Agence Science-Presse. Les Fonds de recherche du Québec et
le Bureau de coopération interuniversitaire sont partenaires du Détecteur de rumeurs.

Auteur : Agence Science Presse - Pascal Lapointe

Ces derniers jours, une référence à une « étude » sur les coureurs et les cyclistes qui émettraient un taux dangereux de gouttelettes contaminées au coronavirus, accompagnée d’une préoccupante animation informatique, a causé beaucoup d’inquiétudes. Or, constate le Détecteur de rumeurs, il n’y a aucune étude. Et l’animation n’a jamais été validée, que ce soit en épidémiologie, en médecine ou en biologie.

Le 8 avril, l’auteur russe Jurgen Thoelen, qui se présente comme un entrepreneur et un athlète, a publié sur la plateforme de blogues Médium un texte d’opinion qui est devenu viral en quelques heures : « selon une étude belge et néerlandaise », titrait-il, vous ne devriez pas, en notre époque de distanciation sociale, vous tenir à moins de 5 mètres derrière un coureur ou un cycliste, en raison du « nuage » de gouttelettes que celui-ci émettrait dans son sillage. S’il s’agit d’un cycliste à l’entraînement, la distance sécuritaire serait même, selon le billet, de 20 mètres.

Or, aucune étude n’était mentionnée dans le texte. Sa source, a reconnu Thoelen, était un article lu dans un média belge ce matin-là, qui citait le chercheur néerlandais Bert Blocken, de l’Université de technologie d’Eindhoven, auteur avec ses trois collègues belges et néerlandais de l’animation informatique en question. Aucune étude n’était mentionnée non plus dans l’article du média belge. Quant à Blocken, il n’est ni microbiologiste ni épidémiologiste, mais expert en aérodynamisme.

Devant l’afflux de courriels et de demandes d’entrevues par des journalistes de partout, Blocken et ses trois collègues ont rapidement admis que leur animation informatique était uniquement destinée à simuler un phénomène physique —l’aérodynamisme et les gouttelettes— mais ne pouvait en aucun cas prétendre être une démonstration de la transmissibilité de l’actuel coronavirus ou de quoi que ce soit d’autre. Ils ont mis en ligne le jour même ce qui a été appelé un « livre blanc », qui est normalement une prise de position sur un sujet précis, mais qui s’est avéré être une simple traduction en anglais de l’article paru dans le journal belge.

Le 10 avril, ces chercheurs publiaient finalement sur leur site un « pré-papier » —c’est-à-dire un rapport de recherche qui n’a pas été révisé— où ils décrivaient leur simulation informatique, justifiant son utilité dans le contexte du débat sur la distanciation sociale, tout en prenant soin de souligner qu’il faudrait avant tout tester la validité… de la simulation elle-même. Un tel type d’animation informatique a en effet son utilité dans les sciences du sport ou en aérodynamisme, par exemple pour tester la résistance d’un coureur au vent. En revanche, son efficacité en microbiologie reste à prouver.

Les astuces du Détecteur de rumeurs

  • Quand vous lisez un texte dans lequel un chercheur est cité, demandez-vous si ce texte cite aussi une étude qui appuie les dires de ce chercheur.
  • Si aucune étude n’est mentionnée, attendez avant de partager.
  • Dans le doute, demandez-vous qui a publié le texte. Médium est une plateforme sur laquelle n’importe qui peut publier. L’identité de l’entrepreneur et athlète Jurgen Thoelen peut être trouvée en cliquant sur sa signature ou en googlant son nom.

 

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