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Rapports de recherche

Conducteur âgé et collisions

Les données démographiques disponibles permettent à la Société de l'assurance automobile du Québec de prévoir que d'ici 2030, environ un conducteur sur quatre aura plus de 65 ans. Au-delà des débats actuels au sujet de la prévalence des conducteurs jeunes et âgés dans les accidents, cette donnée illustre l'importance de mieux comprendre comment le vieillissement normal affecte la conduite sécuritaire et quels moyens peuvent être mis en place pour favoriser une conduite plus sécuritaire. Le but de cette étude était de documenter les comportements de conduite de conducteurs âgés masculins et féminins provenant d'une région urbaine (densité de population de plus de 1000 habitants/km2) ou d'une région semi-urbaine (densité de population près de 150 habitants/km2) dans un contexte naturalistique. D'une manière plus spécifique, nous nous sommes intéressés à la négociation des intersections avec arrêt obligatoire et le contrôle de la vitesse en fonction des différentes limites de vitesse autorisées.

La population expérimentale de cette étude était constituée de conducteurs âgés de 63 ans à 90 ans. Le recrutement a été fait sur une base volontaire. Tous les conducteurs détenaient un permis de conduire valide et conduisait leur véhicule un minimum de trois fois par semaine. Des données sur la conduite étaient acquises pendant une période d'environ sept jours. Aucune instruction spécifique sur la conduite n'était fournie aux participants. Le système d'acquisition des données était constitué de deux caméras, d'un GPS et d'un ordinateur portable. Une première caméra orientée vers l'extérieur permettait de filmer la route devant le véhicule. La deuxième caméra, orientée vers l'intérieur du véhicule permettait de filmer le conducteur (c.-à-d. tête, cou, et tronc). L'équipement ne gênait aucunement le champ de vision et l'utilisation habituelle du véhicule.

L'ordinateur était fixé dans une boîte sécurisée dans le coffre arrière du véhicule. Le système était autonome; les participants n'avaient pas à s'en préoccuper.

Les données montrent qu'en moyenne les femmes conduisent un peu moins que les hommes (45 km vs 72 km, respectivement) et qu'il y a peu de différence dans la période de conduite entre les hommes et les femmes. Pour les quatre groupes (homme/femme, milieu urbain/semi-urbain), au moins 60 % du temps de conduite se situe entre 8 h et 16 h et on observe peu de conduite de soir et de nuit. Une très grande variabilité dans les comportements de conduite est observée. Certains conducteurs suivent scrupuleusement les règles de la route et montrent des habitudes de conduite exemplaires. De même, nous observons certains conducteurs qui adoptent des stratégies de conduite discutables. Plusieurs conducteurs conduisent régulièrement au-dessus des limites autorisées, et ce pour l'ensemble des zones analysées. Par exemple, pour la seule zone de 50 km/h, 11 conducteurs (trois hommes de la région semi-urbaine et cinq hommes et trois femmes de la région urbaine) montrent plus de 20 % de leur distance parcourue avec un excès de vitesse supérieur à 10 km/h. Ces valeurs sont grandes lorsqu'on considère que l'aménagement routier (intersections avec arrêts obligatoires, rond-point, feux de circulation) impose des décélérations fréquentes. Pour l'ensemble des participants, « 2580 » intersections avec un arrêt obligatoire furent analysées (vitesse minimale, trajectoire du véhicule suite au franchissement de la ligne d'arrêt, présence d'autres usagers de la route). Un premier constat est que ces situations sont rarement caractérisées par un arrêt complet. De fait, nous avons observé une vitesse inférieure à 1 km/h pour uniquement 15,6 % des intersections. À l'autre extrémité du continuum, 12,1 % des freinages aux intersections montraient une vitesse minimale supérieure à 10 km/h. En général, le conducteur abaisse sa vitesse lorsqu'il détecte la présence d'un autre usager de la route et la présence d'un conflit possible. Cette vitesse minimale augmente considérablement lorsque le conducteur estime qu'aucun risque de conflit n'est encouru.

En parallèle à ces travaux naturalistiques, des analyses des accidents routiers avec dommages corporels pour la période de 2000 à 2011 ont été effectuées à partir des bases de données de la SAAQ. Deux analyses de correspondances multiples (ACM) ont été effectuées. Brièvement, ces analyses montrent que les 55 ans et plus seraient plus susceptibles d'être impliqués dans un accident près des environnements résidentiels et à basses vitesses. Ces accidents se produisent généralement le jour, avec peu de variation pour les jours de la semaine. Un élément important de ces analyses est que les accidents en milieu résidentiel compte le plus d'accidents en intersections avec la présence d'un panneau d'arrêt obligatoire (54,13 %). Les stratégies de roulement aux intersections avec un arrêt obligatoire observées dans l'étude naturalistique soulèvent donc de nombreuses questions.

En conclusion, l'étude montre qu'on ne devrait pas stéréotyper le conducteur âgé. La réciproque de ce constat est que certains conducteurs âgés adoptent des stratégies de conduite non optimales. Compte tenu que pour plusieurs personnes âgées, le maintien de la conduite leur permet de maintenir une autonomie fonctionnelle et parfois même celle de leur entourage, il apparait important de promouvoir la modification de ces habitudes de conduite. Des efforts de sensibilisation à une conduite préventive et à un meilleur respect des réglementations mises en place seraient bénéfiques afin d'atténuer les risques d'accidents chez ces conducteurs.

 

Chercheur principal : Normand Teasdale, Université Laval

Titre originalÉvaluation des chaînes de déplacements du conducteur âgé et typologie des collisions en régions urbaines et rurales

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