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Changer la culture organisationnelle des entreprises

« Je suis une féministe matérialiste ; je suis fermement convaincue qu’il faut un minimum d’aisance matérielle pour penser et que la vie économique est essentielle pour acquérir son autonomie et devenir moins dépendante, et donc moins vulnérable », lance d’entrée de jeu Hélène Lee-Gosselin, professeure titulaire en management à l’Université Laval.

La chercheuse rappelle que la société a longtemps été scindée en deux sphères distinctes : la sphère économique et politique, chasse gardée des hommes, et la sphère du social et des soins, réservée aux femmes. De plus, ces deux sphères sont hiérarchisées, la première conférant un meilleur statut et plus de pouvoir et de moyens que la seconde. Dans une telle configuration sociale, les hommes comme les femmes ne font que la moitié d’une expérience de ce que peut être une vie humaine. De la même manière, les employeurs n’ont longtemps pigé que dans une moitié du bassin de main-d’œuvre, se limitant majoritairement aux hommes, en particulier pour les emplois désirables. Cette réalité continue de se faire sentir dans certains secteurs. « Un comportement rationnel serait d’embaucher les meilleurs candidats possible et de miser sur la diversité », avance Hélène Lee-Gosselin.

Un travail de terrain

La chercheuse s’intéresse de près à la question des femmes dans le monde du travail et participe actuellement à plusieurs projets de recherche. L’un d’eux, soutenu par Condition féminine Canada et TECHNOCompétences, explore la faible proportion de femmes dans le secteur des technologies de l’information (TI). Des entretiens en profondeur dans les secteurs du logiciel, des jeux vidéo et du conseil en gestion et en informatique visent à identifier les facteurs qui favorisent la carrière des femmes dans ces domaines et, inversement, ceux qui leur nuisent. Tous les entretiens sont menés conjointement avec un ou une collègue spécialiste de l’industrie des TI. Cette interdisciplinarité permet de bien décrypter les entretiens et de faire des recommandations judicieuses.

Comprendre les carrières féminines

La professeure Lee-Gosselin contribue aussi à un autre projet, financé, celui-là, par le FRQSC et dirigé par Sophie Brière, professeure agrégée en management à l’Université Laval. Il s’agit de mener des entretiens de groupe ou individuels dans des secteurs où les femmes se faisaient rares il y a 15 ou 20 ans, mais où elles sont plus nombreuses aujourd’hui. Elle mène cette étude dans le domaine de la finance d’entreprise, alors que d’autres travaillent sur le génie, le droit des affaires, la sécurité publique, la direction des institutions d’enseignement postsecondaire, etc.

« Nous observons comment ça se passe pour ces femmes, comment elles perçoivent l’évolution de leur carrière et quels obstacles se dressent sur leur chemin, afin de bien identifier les enjeux actuels », résume Hélène Lee-Gosselin. Ces entretiens ont déjà permis certains constats. Par exemple, plus une employée monte en grade, plus on exige d’elle de flexibilité sans préavis. Celles qui souhaitent conserver un certain équilibre entre leur vie professionnelle et leurs autres obligations perçoivent cela comme un frein majeur à l’avancement de leur carrière.

Comme quoi il reste de nombreux changements à apporter à la culture organisationnelle des entreprises, une tâche à laquelle les chercheuses et chercheurs peuvent grandement contribuer. « La cocréation des connaissances avec les acteurs sur le terrain est cruciale et constitue l’un des aspects les plus stimulants de la recherche universitaire », conclut Hélène Lee-Gosselin.


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