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Rapports de recherche

Améliorer l'efficacité de la production d'aluminium

Selon le National Research Council of Canada, l'industrie canadienne de l'aluminium est responsable de l'émission de près de 3 Mt d'équivalent CO2 dans l'atmosphère, causée principalement par la consommation des anodes de carbone et par l'émission de gaz perfluorocarbonés, dégagés lorsque la concentration en alumine au sein des cuve d'électrolyse (CE) devient trop faible. Des réductions considérables d'émission de gaz à effet de serre (GES) ont été réalisées au cours des 20 dernières années en travaillant au niveau de la gestion de l'entrée d'énergie électrique dans le procédé de production d'aluminium (procédé Hall-Héroult), en resserrant le contrôle du voltage de la cellule. Toutefois, peu de travaux de recherche ont été menés pour mieux contrôler les pertes thermiques en vue d'assurer une meilleure stabilité de la CE, elle-même responsable d'une consommation énergétique plus faible et d'une réduction des GES.

De plus, en dépit de plus de 100 ans de développement technologique, le procédé d'électrolyse de l'Al demande encore énormément d'électricité (env 14 kWh/kg Al), ce qui représente environ 14% de toute l'électricité produite au Québec ou 4600 MW. Dans un contexte de ressources énergétiques limitées et de pression élevée pour réduire la production des GES, l'utilisation de l'électricité par les alumineries doit être optimisée.

Le manque d'outils, de capteurs internes à la CE, pour diagnostiquer leurs inefficacités énergétiques, ressort des discussions techniques tenues avec le personnel scientifique des grands producteurs d'Al du Québec, lors d'ateliers stratégiques organisés par le REGAL en 2008-2009. Le développement de capteurs spécialisés pour mesurer les signaux des CE représente en outre un des 17 projets technologiques prioritaires identifiés par l'industrie canadienne de l'aluminium (cf. Carte routière technologique de l'industrie canadienne de l'Al, (2000). Réseau trans-Al, Saguenay, Québec, Canada, 70 p.).

Les objectifs sont de :

  1. Mesurer les résistances de contact à l'intérieur des connecteurs anodiques et cathodiques afin d'identifier les variables à l'origine des chutes de tension de ces composantes;
  2. Mesurer en continu l'épaisseur de la gelée latérale qui conditionne l'équilibre thermique sur le côté d'une CE.

Les résultats : quatre projets étudiants (1 PhD, 1 MSc et 2 stages de 1er cycle) ont permis de faire la preuve de concept de 2 capteurs multiphysiques pour diagnostiquer le comportement thermo-électro-mécanique (TEM) d'une CE. Le premier capteur sert à mesurer la température et la pression de contact à l'interface entre 2 matériaux conducteurs de la CE, matériaux formant typiquement les anodes ou les cathodes. Des essais en laboratoire ont permis de démontrer qu'il est possible d'estimer la pression de contact, et de remonter à la résistance de contact, en mesurant la déformation près de l'interface de contact. La prochaine étape du développement sera d'adapter la technologie développée afin de la tester à l'intérieur d'une CE industrielle. Le nouveau capteur permettra alors de fournir aux concepteurs de CE des informations essentielles sur la nature du contact, qui serviront à concevoir des CE à faible consommation énergétique. Cet outil répond à un besoin criant  puisqu'il permettra d'améliorer le design des assemblages anodiques et cathodiques, qui consomment près de 20% de l'énergie électrique d'une CE.

Le deuxième capteur sert à mesurer en continu le front de solidification qui se forme sur le côté des CE, une mesure essentielle à son contrôle thermique. Des essais en laboratoire ont montré qu'il est possible d'utiliser la technologie des mesures ultrasonores (US) pour déterminer la position de l'interface entre le bain liquide et sa gelée et ce, dans une configuration proche de celle trouvée dans une CE. Après avoir adapté ce nouvel instrument à la réalité industrielle, il sera possible d'identifier des pistes de développement en contrôle de procédés, pistes menant à des amélioration importante de la stabilité de la cuve, à une diminution de sa consommation énergétique et à une réduction de l'émission de gaz perfluorocarbonés, ayant un impact jusqu'à 5700 fois plus important que le CO2 sur le réchauffement climatique.

Le développement de deux nouveaux capteurs multiphysiques pour le diagnostic interne de CE a progressé avec la démonstration en laboratoire 1- d'un capteur TEM pour l‘estimation de la pression de contact entre deux interfaces d'un assemblage typique retrouvé dans une CE et 2- d'un capteur US pour mesurer la position transitoire du front de solidification du bain d'électrolyse sur le côté des CE. Il est possible de poursuivre le développement industriel de ces capteurs en continuant les travaux du côté industriel cette fois. Il est peut-être envisageable de breveter les nouveaux instruments et/ou de commercialiser leur application à grande échelle.

À plus long terme, les alumineries québécoises sont de grandes consommatrices d'énergie électrique et de grandes productrices de GES, avec une émission dans l'atmosphère de près de 6 Mt d'équivalent CO2. Dans ce contexte, de petits gains sur l'efficacité énergétique des CE (< 1%), qui pourraient venir d'un meilleur diagnostic issus de capteurs insérés dans les CE, auront un impact important sur leur réduction de la consommation d'électricité et leur production de GES. Par ex., une réduction des chutes ohmiques de 50 mV au sein des connecteurs anodiques ou cathodiques, une cible réaliste, se traduirait par des économies d'énergie électrique entre 0.24 et 0.48 TWh/année et par une réduction des émissions d'équivalent CO2 d'environ 153 kt/année, soit entre 2.5 et 5% de la production actuelle de GES de l'industrie de l'aluminium.

 

Chercheur principal : Martin Desilets, Université de Sherbrooke

Titre original : Capteurs multiphysiques pour améliorer l'efficacité énergétique du procédé de production d'aluminium primaire

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