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40 ans de féminisme

Lorsqu’elle amorce ses études en science politique à l’Université de Montréal, en 1977, Chantal Maillé est interpellée par le féminisme. Il faut dire que ce mouvement a alors le vent dans les voiles : c’est l’année où l’Organisation des Nations Unies proclame le 8 mars « Journée internationale de la femme », deux ans après l’Année internationale de la femme (1975).

Elle croit donc que des études en science politique l’aideront à approfondir les nombreux enjeux du féminisme, mais déchante rapidement. À l’époque, deux forts courants agitent le Département : le marxisme et la question nationale. Il reste peu de place pour le féminisme.

« Ce n’est qu’en 1979 qu’un premier cours sur le thème Femmes et politique a été mis sur pied à l’Université de Montréal par Évelyne Tardy, devenue plus tard ma directrice de thèse à l’Université du Québec à Montréal, rappelle Chantal Maillé. J’ai eu la chance d’y assister dès la première année. Ce cours m’a donné la mesure de tout ce qu’il restait à découvrir en études féministes. »

En 1989, elle entre au Département de science politique de l’Université Concordia et y obtient dès l’année suivante le premier poste en études féministes. Elle adopte alors une approche pluridisciplinaire propre aux études féministes. Pour elle, étudier le monde à travers le prisme du genre est très révélateur et permet de théoriser des questions qui ne le seraient pas autrement. Elle donne l’exemple de la violence conjugale. Longtemps réduit à un problème individuel, ce phénomène ne faisait l’objet d’aucune analyse ou théorie. Les féministes en ont ensuite fait une vraie question sociale et les résultats de leurs recherches ont orienté des stratégies gouvernementales et communautaires.

Un féminisme pluridisciplinaire

Depuis 15 ans, Chantal Maillé a beaucoup étudié le mouvement des femmes au Québec, son impact social et sa présence dans le paysage politique. Elle a notamment réfléchi à la place des femmes en politique, dont certains aspects ne font pas l’unanimité, même parmi les féministes. Par exemple, faut-il instaurer des quotas de femmes en politique ou plutôt former plus de femmes à faire de la politique ?

Ses écrits traversent les champs du féminisme, des théories postcoloniales, de l’intersectionnalité et de la francophonie. « Récemment, j’ai beaucoup étudié comment l’appartenance à la francophonie détermine les sujets abordés par les féministes et leur manière de les appréhender », explique-t-elle. Elle cite le débat sur la laïcité, devenu un terme fourre-tout pour aborder d’autres questions, notamment l’égalité hommes-femmes. « Le débat sur l’égalité hommes-femmes est réduit à des tiraillements sur le port des signes religieux, alors que bien d’autres enjeux devraient être à l’avant-scène, comme l’égalité économique et l’accès au travail », ajoute-t-elle.

Les temps ont tout de même changé et le mouvement féministe est aujourd’hui animé par plusieurs groupes qui œuvrent à l’intérieur comme à l’extérieur de l’université. Chantal Maillé se réjouit tout particulièrement de l’existence du Réseau québécois en études féministes (ReQEF), financé depuis trois ans par le Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC). Selon elle, le ReQEF assure un réseautage fructueux entre les chercheuses du domaine. Cela facilite le partage des résultats de recherche, mais aussi la planification des travaux, les collaborations et l’organisation d’événements. Un atout certain pour soutenir le développement des études féministes.


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