Auteur : Agence Science Presse - Maxime Bilodeau
On parle davantage de la crise climatique que de l’érosion de la biodiversité. Les deux crises sont pourtant d’égale importance, constate le Détecteur de rumeurs.
1- La perte de biodiversité est un problème majeur
Chaque année, à l’approche de sa traditionnelle réunion de Davos, en Suisse, le Forum économique mondial publie un rapport portant sur les risques majeurs qui pèsent sur le monde. Et chaque année depuis au moins une décennie, la perte de biodiversité due aux activités humaines figure sur la liste des menaces qui, selon le Forum, devrait monopoliser notre attention.
Un rapport de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), publié en 2019, détaille l’enjeu. Selon ce groupe international d’experts sur la biodiversité, « la santé des écosystèmes dont nous dépendons, ainsi que toutes les autres espèces [animales et végétales], se dégrade plus vite que jamais. » Certains parlent carrément de sixième extinction de masse.
Les chiffres sont éloquents. Le rapport de l’IPBES estime qu’environ un million d’espèces animales et végétales étudiées sont aujourd’hui menacées d’extinction à plus ou moins brève échéance (voir les détails sur leur méthode d’estimation en encadré). Plus de 40 % des espèces d’amphibiens, près de 33 % des récifs coralliens et plus d’un tiers de tous les mammifères marins, sont en danger de disparition, tout comme 10 % des espèces d’insectes.
L’érosion de la biodiversité va de pair avec l’effondrement des écosystèmes, lesquels sont mis sous forte pression en raison de l’exploitation des ressources, des changements climatiques et de la pollution, entre autres. Selon l’IPBES, 75 % de l’environnement terrestre et environ 66 % du milieu marin, ont été significativement modifiés par l’humain. Plus du tiers de la surface terrestre et près des trois quarts des ressources en eau douce, sont maintenant destinés à l’agriculture ou à l’élevage.
2- La Conférence des parties (COP) de la biodiversité manque, elle aussi, d’ambitions
Quelques semaines avant la Conférence de Glasgow sur les changements climatiques, la COP26, un autre grand sommet international se déroulait à Kunming, dans le sud-ouest de la Chine. Comme son nom l’indique, la 15e COP de la Convention sur la diversité biologique des Nations unies (COP15) est consacrée à la conservation de la nature. La réunion rassemblait, en personne ou virtuellement, 196 délégations du monde entier.
À l’issue de la première partie de la COP15, un texte commun a été adopté : la Déclaration de Kunming. Les États membres s’engagent à négocier un cadre mondial efficace et ambitieux pour la protection de la biodiversité d’ici à 2030, mais sans se fixer d’objectifs concrets ni trop contraignants. « Nous ne pouvons pas nous satisfaire du rythme de progression à ce stade. Mais la bonne nouvelle est que nous pouvons encore stopper et renverser le déclin si nous prenons maintenant des actions urgentes », a d’ailleurs affirmé Bruno Oberle, directeur général de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) à la suite de ce cycle de négociations. Celui-ci se poursuivra au printemps prochain, lors de la seconde partie de la COP15, qui se tiendra aussi en Chine.
Le cadre actuellement en discussion s’articule autour de 21 cibles distinctes à atteindre. Il est par exemple question d’accroître la surface des aires protégées, de limiter les disparitions d’espèces, de diminuer la pollution et de supprimer les subventions néfastes à la biodiversité. Une quarantaine d’indicateurs devraient permettre une forme de suivi de ces objectifs.
La pression sur les États membres est grande. Aucun des 20 Objectifs d’Aichi pour la biodiversité, adoptés lors de la COP10 à Nagoya, dans la préfecture d’Aichi, qui couvraient la période allant de 2011 à 2020, n’a été entièrement réalisé, lit-on dans le 5e rapport sur les Perspectives mondiales de la diversité biologique. « L’humanité se trouve à la croisée des chemins pour ce qui est de l’héritage que nous souhaitons laisser aux générations futures », note le rapport.
3- La seule conservation de la nature ne suffira pas
Le rapport de l’IPBES souligne qu’il n’est pas trop tard pour agir, mais que les actions doivent être plus ambitieuses. Seuls des « changements transformateurs » permettront de « conserver et de restaurer la nature et d’ainsi sauvegarder les fondements mêmes de nos économies, nos moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier ».
Par « changements transformateurs », l’IPBES entend un changement fondamental qui prend en considération les facteurs technologiques, économiques, sociaux et politiques. Aussi bien parler d’une métamorphose complète de nos modes de vie. Pour l’instant, les mesures de protection de la biodiversité consistent surtout à créer et agrandir des aires protégées, comme des parcs nationaux et des zones de protection marine.
Au Canada, le gouvernement Trudeau vise ainsi à protéger 25 % de ses terres et océans d'ici à 2025, un pourcentage qu’il veut voir augmenter à 30 % d'ici à 2030. Au Québec, le gouvernement Legault s’est, lui aussi, engagé à transformer 30 % du territoire en aires protégées d'ici à 2030, même s’il a été critiqué pour avoir coupé les coins ronds afin d’atteindre sa précédente cible de 17 %.