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Réveiller une bactérie qui dort

L’une des seules bactéries approuvées comme biopesticide en agriculture durable, Bacillus subtilis, a des problèmes de sommeil : elle s’endort quand elle est stressée, mettant en veilleuse la plupart de ses propriétés antimicrobiennes bénéfiques aux cultures. C’est du moins ce qu’a relevé Pascale B. Beauregard, professeure au Département de biologie de l’Université de Sherbrooke.

Bacillus subtilis vit dans le sol et sécrète notamment des composés antifongiques qui aident les plantes à résister aux champignons parasites. Mais il y a un hic : ses effets ne sont pas constants et personne ne sait vraiment pourquoi, car on connaît mal l’interaction entre cette bactérie et les plantes.

Bacillus subtilis vit dans le sol et sécrète notamment des composés antifongiques.

On sait cependant que la bactérie peut résister à des conditions difficiles – un manque de nutriments, par exemple – en entrant en dormance sous la forme de spores. Dans cet état, elle n’a presque aucune activité. La biologiste s’est donc demandé si cette dormance pouvait expliquer l’inconsistance de effets positifs du biopesticide. Existerait-il alors une façon de garder la bactérie « éveillée »?

Pour tester le tout, la chercheuse et son équipe ont comparé la formation de spores sur les racines de plantes à travers le temps, à mesure que les nutriments se faisaient rares. Elles ont d’ailleurs développé un système de culture pour suivre les interactions entre les plantes et les bactéries.

Elles ont alors observé que les spores s’activent en présence de graines végétales et que les deux se développent ensemble. Toutefois, les bactéries reviennent sous forme de spores lors d’un manque de nutriments. Ainsi, lorsqu’une plante est jeune et possède de petites racines qui libèrent peu de nutriments, les bactéries ont tendance à s’endormir. Une plante mature, avec plus de racines performantes, soutient davantage de bactéries « éveillées ». Pascale B. Beauregard et son équipe ont aussi remarqué que les spores inoculées sur les feuilles ne s’activent jamais.

Ces résultats pourront éventuellement se traduire par des recommandations pour les agriculteurs. La chercheuse veut voir si l’ajout de nutriments dans le sol pourrait favoriser le réveil des spores. Elle désire aussi chercher de meilleures candidates pour les biopesticides, par exemple, des souches de Bacillus moins portées à former des spores.