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Détecteur de rumeurs

The environmental footprint: beyond carbon (French version only)

Les articles du Détecteur de rumeurs sont rédigés par des journalistes
scientifiques de l'Agence Science-Presse. Les Fonds de recherche du Québec et
le Bureau de coopération interuniversitaire sont partenaires du Détecteur de rumeurs.

Auteur : Agence Science Presse - Valérie Levée

De nombreuses plateformes offrent de compenser les émissions de dioxyde de carbone (CO2) par une plantation d’arbres. Certaines parlent de réduire l’empreinte carbone des consommateurs ou des organisations; d’autres affirment réduire ainsi leur empreinte écologique. Or, associer la compensation carbone à l’empreinte écologique ou environnementale prête à confusion, explique le Détecteur de rumeurs.

Aux sources de l’empreinte écologique

Le concept d’empreinte écologique a été développé dans les années 90 par William Rees, professeur à l’Université de la Colombie-Britannique et son étudiant au doctorat Mathis Wackernagel. Ils définissent l’empreinte écologique comme la surface terrestre nécessaire pour produire les biens et les services que nous consommons, mais aussi la superficie nécessaire pour absorber les déchets que nous produisons.

L’empreinte écologique comptabilise par exemple les hectares cultivés, les aires marines pêchées, les surfaces occupées par les infrastructures, les hectares de forêts récoltées pour fournir du bois de chauffage ou de construction et aussi, les surfaces forestières nécessaires pour absorber les émissions de CO2. En d’autres termes, c’est la pression globale exercée par l’ensemble des activités humaines sur les milieux naturels dans une région donnée et elle se mesure en hectares. On comprend donc pourquoi le calcul de l’empreinte environnementale ne se limite pas au carbone.

En 1996, William Rees et Mathis Wackernagel ont écrit un livre sur le concept, Our Ecological Footprint, traduit en français par Notre empreinte écologique. Par la suite, Mathis Wackernagel a cofondé le Global Footprint Network (GFP) qui calcule l’empreinte écologique de chaque pays comme on peut le voir sur cette carte. Pour le Canada, l’empreinte écologique était en 2017 de 8,1 ha / personne (hectare par personne). Au niveau mondial, elle était de 2,8 ha / personne.

De ce concept d’empreinte écologique est dérivé celui de biocapacité. C’est la capacité d’un territoire à supporter les activités humaines en leur fournissant les ressources dont ces humains ont besoin et en absorbant leurs déchets.

Si l’empreinte écologique dépasse la biocapacité, l’équilibre est rompu et c’est le cas au niveau planétaire puisque la biocapacité de la Terre était, en 2017, de 1,6 ha / personne. C’est de là que vient l’expression souvent utilisée comme quoi nous utiliserions « une fois et demie la Terre ». La biocapacité du Canada était de 15 ha / personne et laisse penser que le pays ne vit pas au-dessus de ses moyens, puisque son empreinte écologique était moitié moindre. Mais c’est grâce à son immense territoire couvert de forêts et de lacs. Inversement, un pays aride comme l’Algérie ne dispose que d’une biocapacité de 0,5 ha / personne et est en déficit, même si son empreinte écologique (2,3 ha / personne) est faible comparativement à celle des pays plus riches.

De même, un petit pays densément peuplé comme Singapour qui affiche une empreinte écologique de 5,87 ha / personne pour une biocapacité de 0,06 ha / personne, se trouve lui aussi en déficit.

Ces comparaisons montrent que le réflexe de calculer l’empreinte écologique à l’intérieur des frontières politiques d’un pays atteint vite ses limites.


Aujourd’hui: l’empreinte environnementale et l’analyse du cycle de vie

Plus récemment, une autre approche s’est développée, appuyée sur l’analyse du cycle de vie (ACV), et on parle plutôt d’empreinte environnementale. L’ACV évalue les impacts environnementaux potentiels d’un produit, d’un procédé ou d’un service sur l’ensemble de son cycle de vie, c’est-à-dire pendant sa fabrication, son utilisation, les entretiens et réparations durant son utilisation, et jusqu’à son élimination en fin de vie. Cette approche rapatrie les con-séquences environnementales des biens fabriqués ou éliminés à l’extérieur du pays et elle est encadrée par des standards internationaux et la norme ISO 14040.

En plus des gaz à effet de serre, tous les autres flux de matière et d’énergie sont calculés, puis traduits en impacts environnementaux. Comme l’eutrophisation des cours d’eau, l’appauvrissement de la couche d’ozone, l’acidification des océans, l’épuisement des ressources, l’occupation des sols et les changements climatiques.

L’approche ACV s’applique à des biens comme un vêtement, une fenêtre, un téléphone… jusqu’à une automobile, un bâtiment. Mais aussi à la production d’électricité et à l’envoi d’un courriel.

L’ACV donne donc une vision élargie de l’empreinte environnementale des diverses activités humaines.

Sur la base de l’ACV, il existe aussi des protocoles internationaux pour calculer spécifiquement l’empreinte carbone en vue d’atteindre la carboneutralité. Mais cette empreinte carbone d’un service, ou l’inventaire des émissions de GES qu’un produit génère tout au long de son cycle de vie, ne représente donc qu’une portion de son empreinte écologique ou environnementale. Ainsi, les plantations d’arbres pour compenser les émissions de CO2 liées à nos biens de consommation et à nos activités, ne sont qu’une compensation partielle de la pression environnementale qu’exercent nos biens ou nos activités.