Auteur : Agence Science Presse - Catherine Crépeau
Les articles du Détecteur de rumeurs sont rédigés par des journalistes
scientifiques de l'Agence Science-Presse. Les Fonds de recherche du Québec et
le Bureau de coopération interuniversitaire sont partenaires du Détecteur de rumeurs.
La consommation excessive de sucre ajouté tuerait plus de gens que le tabac. Ces propos de l’auteur et journaliste scientifique Gary Taubes et de l’endocrinologue Robert Lustig, de l’Université de Californie, ont fait beau-coup jaser au cours de la dernière décennie. Qu’en est-il réellement? Le Détecteur de rumeurs s’est penché sur la question.
Les méfaits du tabac
Les méfaits du tabac ont fait l’objet de centaines de milliers d’études et sont largement établis. Le tabagisme est un facteur de risque important pour 21 maladies, dont le cancer du poumon, des affections respiratoires et des maladies cardiovasculaires. En moyenne, l’espérance de vie d’un fumeur est réduite de 10 ans.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le tabac tue au moins 8 millions de personnes chaque année, dont environ 1,2 million de non-fumeurs exposés involontairement à la fumée dégagée par des cigarettes, des pipes à eau (aussi appelées bang ou bong) ou autres produits du tabac.
Rien qu’au Canada, selon le plus récent rapport décennal du Conference Board, en 2012, l’usage du tabac avait causé 45 464 morts, soit près de 1 décès sur 5. Cela voulait dire environ 125 décès par jour. C’était plus que la somme des décès résultant d’accidents de la route, d’autres causes de blessures accidentelles et de voies de fait. Il s’agissait d’une hausse par rapport aux 37 209 décès causés par le tabac 10 ans plus tôt, en 2002. Les cancers, les maladies cardiovasculaires et les maladies respiratoires sont les principales causes des décès liés au tabagisme.
Au Québec, le tabagisme fait 35 victimes par jour et près de 13 000 par an-née, selon le Conseil québécois sur le tabac et la santé.
Bref, fumer tue. Mais la malbouffe, avec ou sans sucre, tue encore plus.
Les méfaits de la malbouffe
Un décès sur cinq dans le monde, soit 11 millions, était lié à une mauvaise alimentation en 2017, selon une étude menée dans 195 pays et publiée dans The Lancet. La quasi-totalité de ces décès a été provoquée par des maladies cardiovasculaires (9 millions), et le reste par des cancers (un peu plus de 900 000 décès) et par le diabète de type 2 (un peu plus de 300 000). En cause : des excès de sel, de sucre ou de viande, et des apports insuffisants en céréales complètes et en fruits.
Les auteurs reconnaissent toutefois que le lien entre l'alimentation et les décès ne peut être établi avec autant de certitude que dans le cas d'autres facteurs de risque, comme le tabac. Et il est encore plus difficile de déterminer l’impact du sucre seulement. En effet, on ne peut comparer un groupe de personnes consommant du sucre avec un groupe témoin qui ne serait pas exposé au sucre, puisque tout le monde en consomme.
Malgré tout, l’association entre consommation de sucre et accroissement du risque de mortalité commence à être bien documentée dans la littérature scientifique. Plusieurs études ont montré que la consommation excessive de sucres ajoutés (sucrose, sirop de maïs à haute teneur en fructose) est associée à un plus haut risque d’obésité, de diabète de type 2 et de maladies cardio-vasculaires.
Une revue de littérature publiée en 2006 dans The Lancet concluait que l’excès de glucose dans le sang fait 3,16 millions de morts par an dans le monde, dont 960 000 directement à cause du diabète et 2,2 millions en raison de troubles cardiovasculaires.
Les boissons sucrées (boissons gazeuses, sportives et énergisantes, cocktails de fruits), qui fournissent près de la moitié des sucres ajoutés consommés par la population, sont considérées comme les principales responsables de ces effets néfastes du sucre sur la santé. Boire tous les jours deux portions de boissons sucrées est associé à une hausse de 35 % du risque de maladie coronarienne. Par ailleurs, lorsque le sucre ajouté représente 25 % des calories quotidiennes, le risque de maladie du cœur est multiplié par trois.
La consommation de ces boissons entraînerait chaque année près de 184 000 décès à travers le monde, selon une étude de l’Université Tufts, de Boston, publiée en 2015. On y lit que pour l’année 2010, cette consommation s’était traduite par 133 000 morts causées par le diabète, 45 000 par des maladies cardiovasculaires et 6450 par des cancers.
Compte tenu de ces impacts négatifs sur la santé, l’OMS recommande que les sucres ajoutés ne dépassent pas 10 % de notre apport énergétique quotidien, c’est-à-dire environ 50 g ou 12 cuillerées à thé de sucre pour un adulte moyen, ou l’équivalent d’une seule canette de boisson gazeuse.
Verdict
Ni le sucre ni le tabac ne sont recommandables. Mais bien qu’il soit certain que la consommation de sucre ajouté en grande quantité augmente les risques d’obésité, de diabète de type 2 et de maladies cardiovasculaires, les études tendent tout de même à conclure que le sucre tuerait deux fois et demi moins que le tabac, soit 3,16 millions contre 8 millions.