La conversion efficace de la chaleur inutilisée dans les procédés industriels en énergie électrique permettrait la réduction du budget énergétique de fonctionnement des usines, un effet qui n’est pas très grand en pourcentage cependant très important en valeur absolue. L’implantation d’un tel système de conversion dans tous les pays industrialisés, et particulièrement dans les fonderies d’aluminium au Québec pourrait avoir un impact cumulatif important à long terme. Pour exécuter la récupération de chaleur inutilisée, une restriction importante est que la température de la grande quantité de chaleur gaspillée (~4 à 8 tonnes de gaz chaud par tonne d’aluminium produit) est souvent limitée à des valeurs inférieures ou de l’ordre de 200°C au-dessus de la température ambiante (soit ~500 K). Pour réaliser cette conversion, il est nécessaire de trouver un système de conversion adapté à l’intervalle de températures d’intérêt, et puis démontrer que (1) les matériaux et dispositifs à utiliser sont disponibles et efficaces et (2) l’investissement initial demandé aux industriels est facilement récupérable.
Notre équipe de recherche en thermoélectricité à l’École Polytechnique de Montréal, résultat d’une collaboration entre le professeur S. Turenne (génie mécanique) et R. A. Masut (génie physique) a mis au point une méthode d’élaboration des alliages thermoélectriques (TE) par métallurgie des poudres. Les alliages à base de Bi2Te3 sont synthétisés par broyage mécanique (mécanosynthèse). Un contrôle des éléments d’addition (Sb, Se) et de dopants (SbI3) permet d’obtenir des alliages semi-conducteurs ternaires et quaternaire de types n et p. Sur la base de cette expertise, l’équipe de recherche de Polytechnique propose les dispositifs ou modules TE comme éléments de base pour transformer une énergie thermique souvent dégradée comme celle présente par exemple dans les émissions des fonderies d’aluminium. Les défis scientifiques et d'ingénierie pour obtenir des modules TE de génération opérant dans ces conditions peuvent être classifiés dans les deux volets inter reliés suivants : (a) recherche des matériaux avec leurs propriétés mécaniques et TE améliorées, (b) conception et fabrication de modules avec une performance optimisée. Ces étapes sont requises et préalables à la conception d’un système de récupération (conversion) de la chaleur inutilisée. Les objectifs de la recherche effectuée dans le cadre de cette subvention ont visé : (i) la fabrication et l’optimisation d’alliages TE massifs nanostructurés par la méthode de métallurgie de poudres, (ii) le développement des procédés de microfabrication de modules à base de nos alliages et (iii) la conception de modules TE à pattes segmentées pour l’augmentation de leur performance TE.
Nous avons réussi à introduire des nano-inclusions de MoS2 ajoutées dans une matrice constituée de (Bi0.2Sb0.8)2Te3 (conduction de type p) par une méthode de métallurgie de poudres et extrusion à chaud. Ces nano-inclusions, que l’on peut aussi ajouter aux alliages quaternaires à base de Bi2Te3 de type n, permettent une réduction significative de la taille de cristallites de la matrice. La réduction de la taille des cristallites apporte comme prévu une décroissance de la conductivité thermique des nano-composites (~1.4 W/m•K à 450 K pour 0.4 wt.% MoS2) par comparaison avec l’alliage conventionnel (~1.8 W/m•K) de type p. Ceci permet d’améliorer la performance TE de nos alliages à des températures au-delà de 370K, ce qui tombe dans l’intervalle de températures d’intérêt pour nos objectifs de conversion (génération) d’énergie.
Nous avons aussi développé une séquence d’étapes de microfabrication de modules TE, inspirée de la technologie micro-électronique, menant à des dispositifs fonctionnels à base de nos alliages TE extrudés. Cette méthode de fabrication et d’assemblage des modules TE permet aussi l’introduction de « pattes » segmentées, où l’alliage TE (la « patte ») est remplacé par deux (ou plus) segments d’alliages différents qui sont plus efficaces, c.-à-d. adaptés à l’intervalle de température d’opération. La stratégie de modules à pattes segmentées (en deux) devrait, selon nos simulations, augmenter autour de 10% la puissance maximale des modules. Nous avons finalisé (i) l’étude de simulation numérique de la performance TE des modules à pattes segmentées ainsi que (ii) de leurs réponses thermomécaniques, dans l’intervalle de températures adéquates pour la conversion d’énergie. Une dernière étape d’évaluation de la performance et fiabilité des modules ainsi que des mesures des contraintes et déformation pendant leur opération permettra de valider l’approche des simulations numériques effectuée.
Nos résultats de recherche montrent que la conversion en énergie électrique de la chaleur inutilisée (waste heat) est réalisable dans les procédés industriels avec des alliages à base de Bi2Te3. Cependant, pour des applications à des larges échelles, il est souhaitable de développer des composés à base des éléments (1)plus légers que le Bi et le Te, et (2) que l’on peut retrouver en grande abondance dans la croute terrestre.
Chercheur principal : Remo Masut, École Polytechnique de Montréal
Titre original : Récupération de chaleur inutilisée d’un procédé de fusion d’aluminium