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Détecteur de rumeurs

Pregnant women: No, multivitamins are not a waste of money! (French version only)

Le Détecteur de rumeurs est produit par l'Agence Science-Presse, en partenariat avec
les Fonds de recherche du Québec et le Bureau de coopération interuniversitaire

« Les multivitamines pour femmes enceintes : une dépense inutile! » Cette information qui circule sur les réseaux sociaux depuis deux ans, sous diverses formes, est-elle juste? La réponse du Détecteur de rumeurs.

L’origine de la rumeur

C’est un article scientifique publié en 2016 dans la revue médicale britannique BMJ qui a lancé le bal. Les auteurs de cette étude affirment que l’achat de multivitamines pour femmes enceintes représente une dépense superflue, parce que les seules vitamines essentielles à la grossesse sont l’acide folique et la vitamine D. Ils recommandent donc aux femmes en âge de procréer de miser sur une alimentation équilibrée et d’opter pour des comprimés individuels d’acide folique et de vitamine D « qui leur coûteront moins cher que les multivitamines ».

Depuis sa parution, l’étude a fait couler beaucoup d’encre du côté anglophone, tant en Grande-Bretagne qu’aux États-Unis.

L’avis de deux expertes

Une alimentation saine avant, pendant et après la grossesse, est évidemment la meilleure source de vitamines et de nutriments, diront tous les experts. Toutefois, même en ayant de saines habitudes alimentaires, il est difficile de subvenir aux besoins nutritionnels accrus durant cette période. Or, certaines vitamines et certains nutriments sont effectivement essentiels à la santé de la mère et du bébé. C’est le cas de l’acide folique et de la vitamine D.

« Je suis d’accord avec les auteurs de l’étude britannique : des suppléments d’acide folique et de vitamine D sont essentiels, puisqu’on sait que l’alimentation répond rarement aux besoins des femmes enceintes », explique la nutritionniste Stéphanie Côté. Une carence en acide folique peut causer un retard de croissance, une malformation congénitale ou une anomalie du tube neural, comme le spina-bifida. Puisque les impacts d’un manque en acide folique ont lieu durant les premières semaines de la grossesse, on conseille même aux femmes de prendre des suppléments de 0,4 mg d’acide folique par jour avant de tomber enceintes. « Pour ce qui est de la vitamine D — la vitamine soleil — si on habite en Angleterre ou au Québec, il y a très fortes chances pour qu’on n’en produise pas assez. Cette vitamine prévient certains troubles liés à la croissance et l’ossification chez la mère et le nouveau-né, comme l’hypocalcémie et le rachitisme. On recommande donc aux femmes de prendre un supplément de 400 UI par jour », rappelle la nutritionniste qui travaille chez Extenso, le Centre de référence sur la nutrition de l’Université de Montréal.

Bien entendu, on peut prendre des comprimés individuels d’acide folique et de vitamine D comme le recommandent les auteurs de l’étude britannique, mais plusieurs femmes préfèrent prendre un seul comprimé, souligne Mme Côté qui est aussi auteure du livre Grossesse – 21 jours de menus. La nutritionniste Catherine Labelle est du même avis. « Les femmes trouvent que c’est plus pratique de prendre un seul comprimé qui remplit tous leurs besoins. De plus, comme les vitamines et nutriments qu’on retrouve dans les multivitamines sont dosés en fonction de leurs besoins, on ne peut pas dépasser la dose journalière recommandée. Plus de vitamines, ce n’est pas nécessairement mieux », rappelle Mme Labelle qui prodigue des conseils de nutrition à des femmes enceintes au Dispensaire diététique de Montréal.

Catherine Labelle voit un autre avantage aux multivitamines : elles contiennent au moins deux autres nutriments importants pour la prévention de maladies chez les femmes enceintes, soit le calcium et le fer. Le calcium en quantité suffisante prévient la pré-éclampsie et l’éclampsie, dont les conséquences peuvent être graves pour l’enfant. On recommande environ 1000 mg par jour de calcium pour les femmes enceintes.

Pour ce qui est du fer, la dose journalière devrait être de 27 mg par jour pour diminuer le risque d’accouchement prématuré, de bébé de faible poids à la naissance ou de mortalité précoce. « C’est une quantité de fer pratiquement impossible à consommer via l’alimentation. Et comme on ne peut pas acheter du fer en comprimé individuel sans une ordonnance du médecin, au Québec, la multivitamine demeure la façon la plus facile de combler ces besoins ». Mme Labelle ajoute que les multivitamines contiennent aussi d’autres micronutriments essentiels aux femmes ayant un régime alimentaire particulier « comme la vitamine B12, un supplément important pour les végétaliennes ».

La nutritionniste, dont la clientèle est défavorisée, souligne que ce sont les femmes vivant dans l’insécurité alimentaire qui ont plus à gagner à prendre des multivitamines pour femmes enceintes. « Au Dispensaire, nous faisons la promotion d’une alimentation variée et équilibrée pendant la grossesse, mais pour les femmes qui sont en situation précaire, c’est parfois très difficile de bien s’alimenter. La multivitamine devient alors un filet de sécurité.  »

Pour ce qui est de l’argument financier avancé par les auteurs de l’étude britannique, elle estime qu’il ne tient pas la route au Québec. « L’étude anglaise stipule que les multivitamines coûtent 15 livres sterling par mois (l’équivalent de 26 dollars canadiens). Ici, les marques populaires coûtent environ 5 à 6 $ par mois et les génériques de 2 à 3 $ par mois », indique Mme Labelle. Calcul fait, les multivitamines sont donc moins chères que les suppléments individuels. « Je pense que le rapport coûts-bénéfices des multivitamines est très bon », conclut-elle.

– Ève Beaudin

Ce texte est une collaboration entre le Détecteur de rumeurs et le magazine pour les familles Planète F.

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