Auteur : Agence Science Presse - Kathleen Couillard
Les articles du Détecteur de rumeurs sont rédigés par des journalistes
scientifiques de l'Agence Science-Presse. Les Fonds de recherche du Québec et
le Bureau de coopération interuniversitaire sont partenaires du Détecteur de rumeurs.
Certains croient la question du droit à l’avortement réglée. D’autres s’emploient à diffuser de fausses informations sur les risques de cette intervention sur la santé des femmes, constate le Détecteur de rumeurs.
Aux États-Unis, la crainte est grande de voir une Cour suprême conservatrice remettre en question un droit à l’avortement que l’on croyait acquis depuis les années 1970. Pendant ce temps au Québec, même si les mouvements antiavortements se font plus rarement entendre, ils sont bien présents. Certains ont ainsi manifesté à Sherbrooke et à Québec l’automne dernier. De plus, des organismes qui accompagnent les femmes enceintes se préoccupent de la désinformation propagée sur Internet. Par exemple, ces organismes mettent en garde contre des sites comme Enceinte et inquiète, qui se présente comme une source d’informations sur la grossesse.
Voici quatre des mythes souvent véhiculés par le mouvement antiavortement.
Le risque de décès pendant un avortement est élevé ? Faux
Une étude comparant les risques liés à l’avortement d’une part, et à un accouchement d’autre part, concluait en 2012 qu’aux États-Unis, le taux de mortalité lors d’un avortement était de 0,6 décès par 100 000 procédures. En comparaison, le risque de mortalité lors d’un accouchement était 14 fois plus élevé: un taux de 8,8 décès maternels par 100 000 naissances vivantes.
En analysant 529 141 avortements réalisés par chirurgie, des chercheurs ontariens ont pour leur part évalué en 2019 que le taux de complications sévères était, en Ontario entre 2003 et 2015, de 1,6 cas par 1000 procédures. Le taux de mortalité pour sa part, était de 0,05 décès par 1000 procédures (ou 5 décès par 100 000). Il faut toutefois mentionner que parmi les 28 décès rapportés en tout pendant cette période, 23 avaient une cause connue et que, dans la majorité des cas, il s’agissait d’un suicide ou du résultat d’un acte de violence.
Les chercheurs ont également remarqué que le risque de complication sévère était plus faible lorsque les médecins réalisent fréquemment des opérations de ce genre dans les cliniques spécialisées (1,4 cas par 1000) comparativement aux avortements réalisés par des médecins moins habitués à cette procédure (3,7 cas par 1000).
Par ailleurs, selon un article publié dans le New England Journal of Medicine, l’utilisation de médicaments comme le misoprostol et le mifepristone est de plus en plus répandue à travers le monde pour mettre fin à une grossesse non désirée. Les symptômes qui peuvent alors être ressentis sont identiques à ceux d’une fausse couche qui se produit naturellement. Dans un rapport de 2018 sur la sécurité des avortements, l’Académie nationale des sciences, du génie et de la médecine des États-Unis (NAP) conclut d’ailleurs que ces médicaments ne comportent pas plus de risque qu’un traitement antibiotique.
L’avortement affecte plus la santé mentale qu’un accouchement ? Faux
Selon l’American Psychological Association (APA) lorsqu’on évalue les effets de l’avortement sur la santé mentale, il faut tenir compte de la diversité des expériences vécues. Plusieurs raisons peuvent en effet mener à une grossesse non désirée et conduire une femme à envisager l’avortement. Et ces raisons peuvent, elles aussi, affecter sa santé psychologique.
Selon l’APA, une femme peut ressentir de la tristesse et un sentiment de deuil après un avortement. Toutefois, ajoute l’organisme, les études avec une méthodologie plus rigoureuse révèlent que le risque de problèmes de santé mentale chez les femmes qui ont un avortement pendant le premier trimestre n’est pas plus grand que chez celles qui choisissent de mener leur grossesse à terme.
Dans son rapport de 2018, la NAP avait analysé les résultats de sept revues systématiques sur le sujet. Elle arrivait à la conclusion que, lors de grossesses non désirées, le taux de problèmes de santé mentale était le même chez les femmes qui avaient eu un avortement et chez celles qui avaient accouché.
Enfin, des chercheurs américains ont conclu en 2017 que se faire refuser un avortement était associé à un plus grand risque de détresse psychologique que le fait de vivre un avortement. Dans une étude de 2018 menée par certains des mêmes chercheurs, ceux-ci ont également montré que les pensées suicidaires étaient aussi rares chez les femmes qui avaient vécu un avortement que chez celles qui se l’étaient vu refuser. Selon les auteurs, les politiques qui visent à restreindre l’accès à l’avortement sous prétexte de protéger leur santé psychologique ne sont donc pas fondées.
L’avortement cause l’infertilité ou des complications lors des futures grossesses ? Faux
Des chercheurs finlandais ont publié en 2016 une étude réalisée auprès de 57 000 mères, dont plus de 5000 avaient eu un avortement auparavant, et ont remarqué que ces dernières risquaient moins d’avoir recours à des traitements de fertilité pour une prochaine grossesse, ce qui signifie qu’il n’y a pas de liens entre l’avortement et l’infertilité.
De plus, observent-ils, s’être fait avorter n’augmente pas le risque de souffrir de prééclampsie, d’hypertension, de diabète gestationnel ou d’une rupture prématurée des membranes lors de la prochaine grossesse.
L’avortement augmente le risque de cancer du sein ? Faux
En 2004, un groupe de chercheurs spécialisé dans les facteurs hormonaux du cancer du sein a analysé les résultats de 53 études réalisées auprès de 83 000 femmes aux prises avec un cancer du sein. Ils ont conclu que le fait d’avoir eu un avortement provoqué n’avait pas augmenté le risque de développer ce type de cancer. Une revue des études scientifiques réalisée en 2014 par l’Association américaine du cancer est arrivée aux mêmes conclusions.
Dans les deux cas, les chercheurs ont toutefois noté que certaines études dites rétrospectives, où on demande aux femmes souffrant d’un cancer du sein si elles ont déjà eu un avortement dans le passé, rapportent une augmentation « statistiquement significative » du risque de cancer. Selon les scientifiques, les femmes en santé n’osent pas toujours avouer qu’elles ont eu recours à l’avortement. Au contraire, les femmes souffrant d’un cancer du sein ont moins de réticences à en parler parce qu’elles cherchent une raison pour expliquer leur maladie. Cela pourrait causer un biais dans ce type d’études. Ce n’est pas le cas, poursuivent les chercheurs, avec les études prospectives où on suit pendant plusieurs années des femmes qui ont eu un avortement : ces études ne détectent aucune association entre l’avortement et le cancer du sein.