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Détecteur de rumeurs

Are the foods less nutritious than before? What there is to know (French version only)

Les articles du Détecteur de rumeurs sont rédigés par des journalistes
scientifiques de l'Agence Science-Presse. Les Fonds de recherche du Québec et
le Bureau de coopération interuniversitaire sont partenaires du Détecteur de rumeurs.

Auteur : Agence Science Presse - Laurie Noreau

« Il faudrait manger 10 tomates pour obtenir l’équivalent en nutriments d’une tomate des années 1950. » Ou encore: « Les oranges de nos grands-parents avaient meilleur goût ». Ce genre d’argument revient régulièrement sur la table. Qu’en est-il vraiment, s’est demandé le Détecteur de rumeurs.

L’origine de la rumeur

Une étude revient souvent dans les discussions sur la valeur nutritive des aliments d’aujourd’hui: celle publiée en 2004 par trois chercheurs américains, dans le Journal of the American College of Nutrition. On y comparait l’apport nutritionnel de 43 fruits et légumes cultivés de 1950 à 1999. Il y apparaissait que des 13 nutriments analysés, environ la moitié avaient connu un déclin au cours de ce demi-siècle.

Pour la plupart des légumes, la teneur en protéines avait diminué en moyenne de 6% alors que la riboflavine ou vitamine B2, avait chuté de 38%. Pour la tomate, on retrouvait une diminution de 54% de calcium alors que les autres nutriments étaient restés à peu près semblables.

Les bémols

Avant de tirer la sonnette d’alarme, les trois auteurs apportaient toutefois eux-mêmes quelques bémols, qui restent valables 17 ans plus tard. D’abord, il est très difficile d’établir des comparaisons fiables entre les données de 1950 et celles d’aujourd’hui. Peu de données étaient compilées il y a 75 ans et les variétés de fruits et légumes ont beaucoup changé depuis. La tomate de nos grands-parents n’est donc pas la même que celle que nous consommons aujourd’hui.

Les études les plus concluantes sont plutôt celles qui comparent les semences d’antan avec celles que nous utilisons aujourd’hui, en les faisant croître côte à côte. C’est ce qu’une équipe américaine a réalisé en 2000 avec plusieurs variétés de brocoli, tout comme une deuxième équipe, en 2006, avec 14 types de grains de blé et une troisième équipe, en 2006, avec des variétés de maïs cultivés entre 1920 et 2001.

Il en ressort que les fruits et légumes d’aujourd’hui ne se valent pas tous. Certains sont effectivement beaucoup moins nutritifs que d’autres. Par exemple, le brocoli vendu en épicerie peut présenter une teneur en calcium et en magnésium jusqu’à deux fois moins élevée selon le cultivar choisi.

Au moins trois causes sont avancées pour expliquer cet écart nutritionnel.

1) L’effet de dilution

La révolution verte, dans les années 1960, a amené sur le marché agricole des cultivars beaucoup plus productifs. Le développement des engrais chimiques a aussi doublé, voire décuplé, le rendement des légumes, des fruits et des grains. Cela a permis de nourrir plus de gens sur la planète. Mais la qualité nutritionnelle de ces aliments ne semble pas avoir suivi la même courbe. C’est ce qu’on appelle l’effet de dilution.

« L’augmentation de la concentration en nutriments ne serait pas proportionnelle à l’augmentation du rendement. Par exemple, les récoltes vont avoir doublé, mais la concentration de certains minéraux est restée à peu près la même, alors qu’on a deux fois plus de légumes », explique Jacynthe Dessureault-Rompré, professeure adjointe en conservation et santé des sols à l’Université Laval.

2) Des sols dégradés

S’il est maintenant possible de faire pousser des laitues en 60 jours, ces cultures intensives sont très exigeantes pour le sol et lui soutirent beaucoup de nutriments. En ajoutant à cela la compaction des sols due à des machineries agricoles de plus en plus imposantes, il en résulte des sols souvent mal en point.

« Les sols dégradés ont un impact direct sur le rendement de culture et ça inclut la valeur nutritionnelle. Une plante sera moins en mesure d’aller puiser les nutriments dont elle a besoin », constate Jacynthe Dessureault-Rompré.

Si les sols sont déficients, la croissance est plus lente, les rendements moins élevés et les végétaux sont plus vulnérables aux maladies.

Pour contrer ces impacts négatifs, les agriculteurs n’hésitent pas à ajouter des fertilisants sur leurs terres. Azote, phosphore, potassium, magnésium : si les sols ne fournissent pas assez de nutriments, ces intrants tentent de rétablir l’équilibre. C’est la même chose avec les fertilisants biologiques comme le compost ou le fumier qui viennent, eux aussi, enrichir le sol.

« Si notre sol est dégradé, la plante ne sera pas en mesure d’utiliser les intrants. Qu’on utilise des engrais minéraux synthétiques ou organiques, on a beaucoup de difficulté encore à avoir un bon synchronisme entre les apports de nutriments qu’on donne au sol avec nos fertilisants, et les besoins de la culture », note encore l’agronome.

3) L’augmentation du CO2 atmosphérique

Les changements climatiques ont peut-être d’ores et déjà contribué au problème, et pourraient l’accentuer au cours des prochaines décennies. Une concentration plus élevée de CO2 accélère le processus de photosynthèse et par conséquent, la croissance des végétaux. Il en découle un plus grand rendement. Cela devrait être une bonne nouvelle, mais il y a un prix à payer. La valeur nutritionnelle diminue alors que la plante emmagasine plus de glucose, mais moins de minéraux essentiels comme le fer et le zinc.

Si la tendance à la hausse des émissions de gaz à effet de serre se maintient, la teneur en fer dans le blé pourrait diminuer de 10% d’ici 2050. Le riz et le soya risquent de subir le même sort. Sachant qu’une grande partie de l’alimentation de la population mondiale repose sur ces aliments, des carences sont à prévoir.

Des risques pour la population ?

Le fait qu’on observe des carences de plusieurs nutriments chez les adultes canadiens doit-il être perçu comme un signe avant-coureur? Les apports en magnésium, en calcium, en vitamine A et en vitamine D seraient, à l’heure actuelle, insuffisants chez plusieurs.

Mais Santé Canada et le Département de l’agriculture des États-Unis (USDA), n’associent pas ces carences à des fruits et légumes de moindre qualité. Si on observe certains déficits en nutriments dans la population, ce serait plutôt parce qu’un grand nombre de personnes n’en consomment tout simplement pas assez. En effet, à peine 30% de la population canadienne suit la recommandation de 5 à 10 portions de fruits et légumes par jour.

C’est ce que les études citées ci-haut recommandent aussi. Pour l’instant, la diminution des nutriments n’est pas dramatique, concluait en 2017 un document de mise en contexte historique, et elle peut facilement être contrecarrée en consommant plus de fruits et de légumes.

Verdict

On ne peut affirmer avec certitude que tous les aliments sont de moins en moins nutritifs. Cependant, certains signes justifient que davantage d’études soient menées afin de comprendre les mécanismes derrière ce phénomène. Surtout, certains facteurs pourraient aggraver la situation au cours des prochaines années, notamment les changements climatiques et le travail de plus en plus intense des sols agricoles.