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Détecteur de rumeurs

L’efficacité du cannabis médical: ce qu’il faut savoir

Les articles du Détecteur de rumeurs sont rédigés par des journalistes scientifiques de l'Agence Science-Presse.
Le Fonds de recherche du Québec est partenaire du Détecteur de rumeurs.

Auteur : Agence Science Presse - Kathleen Couillard

L’utilisation du cannabis à des fins médicales est légale au Canada depuis 2001. Pourtant, plus de deux décennies plus tard, ses bénéfices restent difficiles à mesurer, a constaté le Détecteur de rumeurs.

Les origines

Ce n’est pas qu’on doute de la pertinence d’utiliser du cannabis: au contraire, le recours au cannabis pour traiter des maladies ou soulager des symptômes est attesté depuis plus de 4000 ans, soulignaient en 2020 des chercheurs de l’Équateur dans une revue de la littérature sur le sujet. Le cannabis a bel et bien été un médicament officiellement reconnu au 19e siècle, rappelaient en 2016 les auteurs d’un document produit par le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances (CCDUS).

Entre 1920 et 1950, le cannabis est toutefois devenu illégal dans plusieurs pays. Il a commencé à être partiellement autorisé pour usage médical aux États-Unis en 1978, puis en Irlande en 1998, en Israël en 1999 et au Canada en 2001. La France a dû attendre 2013.

Comment les cannabinoïdes agissent-ils?

Un plant de cannabis contient plus d’une centaine de substances appelées cannabinoïdes, dont les plus connues sont le THC et le CBD, expliquait en 2019 le Centre national pour la médecine complémentaire et intégrative des États-Unis. Le corps humain produit lui aussi ses propres cannabinoïdes. Ils ont toutefois une structure chimique différente du THC ou du CBD.

Beaucoup des récepteurs pour les cannabinoïdes sont présents dans le cerveau humain, en particulier sur les neurones. Ils se retrouvent également sur les cellules responsables de l’inflammation et de l’immunité. Le THC et le CBD produisent donc leurs effets en interagissant avec ces récepteurs, mentionnaient en 2022 des chercheurs américains dans un texte soulignant le potentiel thérapeutique du cannabis.

Puisque le système endocannabinoïde est impliqué dans plusieurs mécanismes du corps humain, le cannabis a le potentiel d’être utilisé dans le traitement de plusieurs maladies, ajoutait en 2022 le Regroupement de pharmaciens experts en soins palliatifs du Québec, dans un outil clinique sur l’utilisation du cannabis à des fins thérapeutiques.

Pourquoi est-ce un produit difficile à étudier?

Il existe toutefois peu d’études rigoureuses sur l’utilisation du cannabis à des fins médicales, observaient ces mêmes pharmaciens en 2022. D’une part, les échantillons sont petits et le suivi des patients est généralement à court terme.

D’autre part, plusieurs facteurs compliquent les recherches. Par exemple, la quantité de cannabinoïdes peut fluctuer selon la variété de la plante et les conditions environnementales dans lesquelles on l’a cultivée. Par ailleurs, il est possible d’utiliser non seulement la plante directement, mais aussi de purifier les cannabinoïdes à partir d’extraits de cannabis. Et certains peuvent même être synthétisés en laboratoire.

Enfin, la façon d’administrer le cannabis a une influence sur les effets ressentis, peut-on lire sur le site MedlinePlus, associé aux Instituts de la santé des États-Unis (National Institutes of Health, un des plus gros organismes subventionnaires en santé du monde). Le cannabis peut en effet être fumé, incorporé aux aliments, vaporisé ou pris sous forme d’huile ou de capsule.

Trois utilisations du cannabis confirmées

Trois utilisations du cannabis sont mieux documentées que les autres, selon l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec. Toutefois, même dans ces cas, le cannabis et les cannabinoïdes sont considérés comme un traitement de dernier recours, parce qu’il existe des risques associés à leur utilisation.

1) Nausées et vomissements

Selon une analyse publiée en 2015 par le collectif à but non lucratif Cochrane — qui réalise des revues systématiques en santé — les patients qui ont utilisé des cannabinoïdes seraient trois fois plus nombreux à rapporter l’absence de symptômes que ceux qui avaient reçu un placebo. De plus, les cannabinoïdes seraient aussi efficaces que les traitements conventionnels. La même année, une autre analyse réalisée à partir de 28 études par une équipe internationale de chercheurs concluait que les cannabinoïdes avaient de plus grands bénéfices qu’un placebo. Toutefois, cet effet était souvent jugé faible —c’est-à-dire qu’il n’était pas toujours statistiquement significatif.

Par ailleurs, l’analyse du Collectif Cochrane a révélé que le cannabis et les cannabinoïdes causaient davantage d’effets secondaires que les traitements conventionnels. C’est pour cette raison qu’il est peu probable que leur utilisation pour soulager les nausées et les vomissements devienne très répandue. Mais ils demeurent une bonne option pour les patients réfractaires aux autres traitements.

2) Douleur chronique

Certains médicaments dérivés du cannabis sont approuvés au Canada pour traiter la douleur chronique, soulignait le CCDUS en 2016. Les adultes qui reçoivent un traitement avec du cannabis ou des cannabinoïdes sont en effet plus susceptibles de rapporter une diminution de leurs symptômes, ajoutait en 2017 le Comité sur les effets sur la santé du cannabis des Académies nationales des sciences, d’ingénierie et de médecine des États-Unis (NASEM).

Toutefois, là encore, les résultats des études sont mitigés, concluaient les chercheurs de l’Équateur. Sur un total de 20 études, 9 rapportaient des bénéfices, 3 des effets négatifs et 8 des résultats ambigus. En raison des effets psychoactifs et des risques de dépendance, certains cliniciens considèrent que les bénéfices du cannabis ne sont pas suffisants pour compenser les effets négatifs, remarquait le CCDUS.

3) Sclérose en plaques

L’utilisation de cannabinoïdes semble améliorer les symptômes de frigidité musculaire rapportés par les patients souffrant de sclérose en plaques, mentionnait le NASEM en 2017. Cependant, l’amélioration est plus limitée lorsqu’elle est mesurée de façon objective par un médecin. C’est aussi ce que concluait une revue systématique publiée en 2014 par des chercheurs américains ainsi qu’une méta-analyse réalisée à partir de 17 études en 2018. Selon les auteurs de cette méta-analyse, l’effet placebo est important dans ce genre d’étude, car il est difficile de cacher aux participants s’ils reçoivent un placebo ou du cannabis.

Y a-t-il d’autres bénéfices?

Pour les autres conditions médicales, la recherche est prometteuse mais pas encore suffisante pour conclure, remarquait le CCDUS en 2016. Par exemple, des récepteurs de type CB1, présents dans notre cerveau et notre moelle épinière, sont également présents dans le côlon, ce qui laisse supposer que les cannabinoïdes pourraient être utiles pour soulager les symptômes du syndrome du côlon irritable. Il n’y a toutefois pas assez d’études pour le confirmer.

Par ailleurs, l’anxiété est la raison la plus souvent invoquée pour consommer du cannabis dans un but curatif. Une petite étude (24 patients) réalisée en 2011 avait bien montré qu’une « simple dose » pouvait réduire de façon significative l’anxiété chez des gens qui se préparaient à une présentation orale et qui souffraient d’anxiété sociale. Dans leur texte de 2022, les chercheurs américains mentionnaient que huit essais cliniques étaient alors en cours.

Ces chercheurs ajoutaient que certaines données suggèrent que le CBD aurait un effet sur les convulsions chez les patients épileptiques. Enfin, le cannabis pourrait aussi stimuler l’appétit chez les patients avec le VIH ou le cancer, peut-on lire sur le site Medline Plus.

Verdict

Le cannabis et ses composés peuvent être bénéfiques pour soulager certains symptômes comme les nausées, les vomissements, la douleur chronique et les contractions musculaires involontaires. Ces bienfaits sont toutefois accompagnés de plusieurs effets secondaires. Pour les autres bienfaits supposés du cannabis, davantage de recherche sera nécessaire, parce que beaucoup de facteurs viennent compliquer l’analyse des résultats.