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Les biofilms comme indicateurs de la contamination des rivières

Au Québec, le suivi des pesticides (herbicides, fongicides et insecticides) dans les cours d’eau se fait principalement par échantillonnage ponctuel de l’eau. Or, une grosse pluie peut lessiver les pesticides vers les cours d’eau et entraîner une forte contamination qui peut alors passer inaperçue, si un échantillonnage est effectué quelques jours avant ou après l’entrée des contaminants dans le milieu. Les biofilms, cette couche d’organismes microscopiques (bactéries, champignons, microalgues et microfaune) présente sur les substrats en milieu aquatique, accumulent les métaux et autres contaminants. Et si on les utilisait pour détecter la présence de pesticide dans les rivières québécoises?

Telle est la piste que suit Isabelle Lavoie, professeure au Centre Eau Terre Environnement de l’Institut national de la recherche scientifique, qui avait déjà conçu un outil pour estimer la qualité des cours d’eau à partir de diatomées, un groupe de microalgues très abondant dans les biofilms. Avec son étudiante au doctorat, Laura Malbezin, elle a étudié la possibilité d’utiliser l’ensemble des biofilms – et non pas juste les diatomées – pour développer un nouvel outil de suivi d’exposition aux pesticides.

Des expériences en laboratoire ont permis de constater la façon dont certains herbicides affectaient les communautés d’organismes des biofilms: diminution de la photosynthèse, modification de la teneur en lipides, etc. L’équipe a ensuite prélevé sur plusieurs années des échantillons dans 14 rivières agricoles suivies par le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) en Montérégie, dans le Centre-du-Québec et dans le sud des Laurentides. Les scientifiques souhaitaient ainsi voir si les biofilms conservaient la trace d’une dizaine de pesticides couramment utilisés et détectés dans l’environnement parmi la centaine existante. Résultat? Certains pesticides étaient détectés dans les biofilms alors qu’ils n’apparaissaient pas dans l’eau, et inversement.

Ces recherches montrent la pertinence d’effectuer des mesures dans des milieux autres que celui de l’eau ; elles révèlent aussi que l’approche des biofilms est intéressante et complémentaire aux mesures existantes. Ces résultats constituent un premier pas dans la conception d’un futur indicateur, dont les développements sont suivis de près par le MELCCFP.

DOI: https://doi.org/10.69777/285440

 

Références

  • Lavoie, I., Campeau, S., Zugic-Drakulic, N., Winter, J.G. et Claude Fortin (2014). Using Diatoms to Monitor Stream Biological Integrity in Eastern Canada: An Overview of 10 Years of Index Development and Ongoing Challenges. Science of The Total Environment, vol. 475, p. 187‑200. https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2013.04.092
  • Malbezin, L., Morin, S. et Lavoie, I. (2024). Effects of Atrazine and S-Metolachlor on Stream Periphyton Taxonomic and Fatty Acid Compositions. Ecotoxicology, 33(2), p. 190‑204. https://doi.org/10.1007/s10646-024-02738-y
  • Malbezin, L., Mazzella, N., Boutry, S., Lavoie, I. et Morin, S. (2025). Interspecific Differences in the Response of Autotrophic Microorganisms to Atrazine and S-Metolachlor Exposure. Ecotoxicology and Environmental Safety, vol. 289. https://doi.org/10.1016/j.ecoenv.2024.117616