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Détecteur de rumeurs

Le soya augmente le risque de cancer du sein ? Faux

Le Détecteur de rumeurs est produit par l'Agence Science-Presse, en partenariat avec
les Fonds de recherche du Québec et le Bureau de coopération interuniversitaire

La rumeur voulant que le soya favorise l’apparition du cancer du sein continue de circuler bien que de nombreuses études aient démontré le contraire ces dernières années. Consommer du soya pendant l’enfance fournirait même une certaine protection contre le cancer. Le Détecteur de rumeurs fait le point.

Origine de la rumeur

Les fèves de soya et ses aliments dérivés (tofu, miso, tempeh) contiennent une forte concentration d’isoflavones, une variété de phytœstrogènes dont la structure moléculaire ressemble à celle de l’œstrogène, une hormone féminine.

Alors que l’œstrogène joue un rôle dans le développement de cancers dits hormonodépendants (sein, endomètre et prostate), les phytœstrogènes n’activeraient pas les mêmes récepteurs hormonaux dans les cellules et leur effet s’avèrerait beaucoup plus faible.

Cette similitude entre les phytœstrogènes et les œstrogènes fait toutefois craindre la consommation de soya chez de nombreuses survivantes de cancer ou même chez les femmes ménopausées qui présentent de bas taux d’œstrogène. Elles craignent en effet que les phytœstrogènes agissent de la même façon que les œstrogènes et favorisent le développement de certains types de tumeurs mammaires.

Des « anti-œstrogènes »

Des études ont déjà démontré par le passé que les phytœstrogènes pouvaient favoriser ou accélérer le développement des cellules cancéreuses hormonodépendantes, mais ces résultats ne peuvent être pris en compte puisque ces études ont été réalisées sur des modèles cellulaires ou des animaux de laboratoire et ne sont donc pas transposables chez l’humain.

L’état actuel des connaissances scientifiques, qui tient compte des études menées chez des femmes, indiquerait plutôt que les phytœstrogènes utiliseraient cette similitude avec les œstrogènes pour se lier aux récepteurs hormonaux des cellules et se comporter comme ces derniers. Mais leur activité hormonale s’avèrerait 100 fois plus faible que celle des œstrogènes produits par le corps. De plus, les phytœstrogènes ne se fixent pas sur les mêmes récepteurs. Dans le sein, l’activation de ces derniers inhiberait la stimulation et la prolifération de certaines cellules, notamment des cellules cancéreuses.

Un effet protecteur

Des études menées chez des femmes ont aussi démontré que la consommation régulière de soya par les survivantes du cancer du sein est associée à une diminution des risques de la réapparition de la maladie après le traitement. Elle pourrait même avoir un effet protecteur chez certaines, selon une revue de littérature publiée en 2014. Cet effet a été observé plus particulièrement chez les Asiatiques qui mangent des aliments à base de soya dès leur jeune âge et qui ont une incidence de cancer du sein beaucoup plus faible que les femmes occidentales qui en mangent très peu. C’est la consommation de soya durant l’enfance et l’adolescence qui serait le plus étroitement associée à cette diminution du risque.

Les aliments à base de soya semblent également réduire le taux d’hormones circulantes (comme les hormones sexuelles), ce qui pourrait expliquer leur effet protecteur contre le cancer du sein qui se manifeste davantage chez les femmes non ménopausées. Seulement, les effets antioxydants du soya varient d’une femme à une autre, selon sa génétique. Ainsi, certaines répondraient très bien aux phytœstrogènes, alors que d’autres ne parviendraient pas à les métaboliser pour en tirer les bienfaits. Les phytœstrogènes n’entraîneraient pas non plus d’effet significatif sur le risque de développer un cancer du sein après la ménopause.

Un risque faible de récidive et de mortalité

Pour les survivantes d’un cancer du sein, manger du soya serait aussi associé à un plus faible risque de récidive et de mortalité, sans interférence avec les médicaments couramment utilisés pour diminuer le risque de récidive de ce type de cancer (tamoxifène/anastrozole). Par exemple, dans une étude publiée en 2017, des chercheurs de l’Université Tufts (États-Unis) ont observé, en se basant sur un suivi de neuf ans, que les femmes atteintes d’un cancer du sein qui consommaient de grandes quantités d’isoflavones étaient 21 % moins à risque de décéder prématurément que celles qui n’en mangeaient pas ou très peu.

Attention aux suppléments

À la lumière de ces données, la Société canadienne du cancer indique sur son site que les survivantes du cancer du sein ou les femmes qui sont sous hormonothérapie peuvent consommer sans risque jusqu’à trois portions quotidiennes d’aliments à base de soya. Au-delà de cette quantité, l’innocuité des phytœstrogènes n’est pas connue.

Il faut cependant éviter les suppléments alimentaires à base de soya qui peuvent contenir jusqu’à 100 mg d’isoflavones par comprimé, une dose deux à quatre fois plus élevée que celle que fournit une consommation modérée de 50 à 100 g de soya par jour.

Verdict

De nombreuses études réalisées au cours des dernières années démontrent que la consommation régulière de soya par les survivantes d’un cancer du sein, les femmes ménopausées et celles qui sont sous traitement serait sans danger et pourrait même être associée à une diminution importante du risque de récidive et de la mortalité liée à cette maladie.

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- Catherine Crépeau

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